Sombre, froid, parfois planant, Valley of Shadows s'enfonce dans les bois et gagne lentement la frontière entre onirisme et réalité en s'approchant du conte. Un conte glacé teinté d'effroi.


L'histoire suit Aslak, petit garçon de 6 ans habitant seul avec sa mère dans une confortable maison de la campagne norvégienne. Une maison isolée aux abords d'une ferme, à la lisière de la forêt. Nous ne saurons rien au sujet d'un père qui n'existe tout simplement pas mais nous comprendrons en revanche assez vite qu'Aslak a un grand frère et que celui-ci a disparu après que sa mère s'est vue contrainte de le mettre à la porte en raison de son comportement agressif voire violent. La police est à sa recherche mais sa trace semble s'être évaporée dans la nature. Murs, bureau, literie : sa chambre était noire et Aslak ressent parfois le besoin de s'y réfugier même si cela contrarie sa mère. C'est ainsi qu'Aslak vit dans sa bulle, dans une sorte d'isolement à la fois physique et psychologique. Sa voix est frêle, presque inaudible, son regard très peu expressif et ses seuls amis sont un voisin un peu plus âgé que lui et son chien qu'il aime rejoindre dans l'entrée pour dormir quand il se réveille la nuit.


D'ailleurs, au petit matin, des paysans retrouvent depuis peu leurs troupeaux de moutons massacrés dans les environs. Lasse, l'ami d'Aslak, lui dit, livre de contes folkloriques à l'appui, qu'il pourrait s'agir de l'œuvre d'un loup-garou caché au fond de la forêt et qui pourrait un jour être pris de l'envie de changer de proie pour s'en prendre aux enfants, en particulier les soirs de pleine lune. Toujours aussi impénétrable, la mise en garde ne paraît pas impressionner outre mesure le petit garçon qui, depuis une fenêtre, aura pour simple réaction d'observer attentivement le vaste horizon de conifères pouvant donc abriter le fameux monstre. À perte de vue, verte étendue ou porte d'entrée sur un autre monde, un monde de mystères et de danger, de révélations peut-être aussi, un monde à explorer, un monde où se perdre... comme la sensation d'un appel. Un appel auquel notre jeune héros introverti ne pourra longtemps résister ; la disparition de son chien, après celle de son frère, sonnera l'heure pour lui de faire face à la peur, de tout faire pour retrouver son fidèle compagnon et même de fouiller les bois, de pénétrer enfin cette obscure nature, ce domaine de légendes.


Arbres sombres, cadavres d'animaux, cris inquiétants d'oiseaux, brouillard omniprésent : l'aventure d'Aslak se présente d'emblée sous de lugubres auspices. Clairement, on sent que Gulbrandsen s'est sans doute bien inspiré de ses pochettes préférées d'albums de black (tendance très progressif toutefois) pour mettre en place son visuel. À l'image du rythme de tout le film, son avancée chemine doucement, avec précaution, et la nuit viendra inévitablement l'interrompre. Quelques plans de silhouettes d'arbres découpées par un froid clair de lune raviront le goût des amateurs d'ambiance sylvestre et nocturne. Si l'on pourra reprocher au récit de piétiner (ce n'est pas mon cas mais je peux comprendre), Valley of Shadows représente cependant une vraie perle d'esthétique "metalleuse" (je ne parle que d'esthétique, aucune note de musique metal n'accompagnera ces tableaux). Ce qui sera encore confirmé lorsqu'Aslak, à son réveil, découvrira une barque abandonnée au bord de la rivière près de laquelle il s'était assoupi. Tous les symboles du passage entre deux mondes se voient réunis et représentent aussi l'occasion pour Gulbrandsen d'entreprendre une splendide dérive sur ces eaux brumeuses qui conduiront le petit garçon à poursuivre une sorte de cauchemar apaisé, tranquille et secret, humide et frigide, détaché du temps, poussé sans violence, toujours en avant, vers le fond de l'énigme de ses frayeurs.


Voilà donc du cinéma d'atmosphère, presque en apesanteur, autant morbide que doux et calmant, sûrement pour d'aucuns carrément lénifiant. Mais c'est bien une paix que Gulbrandsen semble aller chercher dans le silence des ténèbres ; avec patience, sans offenser l'enfance, sans brusquer le temps précieux de l'innocence.


Sachenka
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le 13 déc. 2024

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