Dans le vaste panorama des films de vampires, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (VHCSC)* se distingue par son originalité et sa capacité à aborder des sujets graves avec une maîtrise remarquable. Réalisé par la cinéaste québécoise Ariane Louis-Seize, ce premier long métrage marie avec brio l’univers du teenage movie et le mythe des vampires, offrant une œuvre à la fois drôle, touchante et profondément humaine.


L’histoire suit Sasha, une jeune vampire gothique à l’apparence de 16 ans, mais dont l’âge véritable reste mystérieux. En pleine rébellion contre sa nature, elle refuse de mordre pour se nourrir, au grand désespoir de sa famille. Ses parents, épuisés par ses réticences, décident de lui couper les vivres (littéralement), l’obligeant à confronter son dilemme : tuer pour survivre ou trouver une alternative. C’est dans ce contexte qu’elle croise Paul, un adolescent marginalisé et harcelé, en proie à une profonde détresse. Habité par un mal-être intense et une envie d’en finir, Paul se présente comme un « suicidaire consentant ».


Ce point de départ grave aurait pu plonger le spectateur dans un malaise pesant, mais le sujet est abordé avec une finesse et une justesse qui évitent tout voyeurisme, pour offrir au contraire une réflexion sincère et pleine d’humanité.


Le film brille par son humour pince-sans-rire, qui sert de contrepoint à la gravité des thèmes abordés. La famille de Sasha, bien que composée de vampires, est dépeinte avec une banalité burlesque, accomplissant ses méfaits presque machinalement. Cet équilibre entre gravité et comédie permet au film de traiter des sujets lourds, comme la dépression et le suicide, avec une légèreté respectueuse, sans jamais en minimiser l’importance.


Mais au-delà de l’humour, Ariane Louis-Seize infuse son film d’une immense tendresse pour ses personnages. Sasha et Paul, ce duo d’adolescents mal à l’aise et en quête de sens, forment un binôme mal fagoté mais bouleversant. Leur relation, empreinte de maladresse et de complicité, est construite avec une sensibilité rare.


Le film fait également preuve de subtilité en utilisant la morsure vampirique comme métaphore des premiers rapports sexuels. La tension et la maladresse de Sasha lors de sa tentative de mordre Paul rappellent les appréhensions adolescentes face à l’intimité : la peur de mal faire, la découverte de soi et de l’autre, et l’apprentissage d’une connexion émotionnelle et physique. Cette approche rend la relation entre Sasha et Paul d’autant plus universelle et poignante, inscrivant leur histoire dans un registre à la fois singulier et profondément humain.


La mise en scène d’Ariane Louis-Seize s’appuie sur une esthétique nocturne où les espaces intimes, comme les chambres, deviennent des refuges lumineux dans un monde sombre. Le film regorge également de références aux classiques du genre, de Dracula à La Famille Addams, tout en empruntant au cinéma d’auteur une sincérité et une poésie visuelle qui le distinguent. Les performances des jeunes acteurs, Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard, apportent une profondeur saisissante à leurs personnages. Félix-Antoine Bénard, en particulier, incarne Paul avec une vulnérabilité brute, transformant un rôle complexe en un portrait bouleversant de l’adolescence en souffrance.


VHCSC est une comédie vampirique douce et poignante, qui séduit par sa capacité à aborder des sujets graves avec intelligence et humanité. Cette pépite inattendue de 2024 réussit à mêler rire et émotion, offrant un regard neuf sur le mythe du vampire tout en explorant les affres de l’adolescence avec une sincérité désarmante.

Le-Pitt
7
Écrit par

Créée

le 27 janv. 2025

Critique lue 2 fois

Le Pitt

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

Du même critique

Ad Vitam
Le-Pitt
2

Jason Burne

Un wannabe Jason Bourne ultra low-cost, sans aucune vision artistique. Et encore, c'est insulter la saga de Liman et Greengrass que de dire ça. Aucune mise en scène, aucune vision artistique globale...

le 24 janv. 2025

1 j'aime

Nosferatu
Le-Pitt
7

Sucer avec amour.

Eggers ranime Nosferatu avec amour. Visuellement fascinant mais trop sage, son film oscille entre hommage appliqué et relecture timorée, peinant à faire vibrer la légende. Coincé entre ambition et...

le 29 janv. 2025

Babygirl
Le-Pitt
4

Chienne low cost

Sous des airs de thriller érotique sulfureux, Babygirl ne fait que recycler les clichés de la dark romance, travestis en fausse transgression. Halina Reijn signe un film qui se veut audacieux, mais...

le 29 janv. 2025