Varsovie, 1983. Le fils d’une militante proche de Solidarnosc est battu à mort par la police. Le chemin jusqu'au procès sera long et émaillé de tout l'attirail cynique du régime de Jaruzelski : faux témoignages, pression et menaces diverses, recherche de coupables imaginaires, etc. C'est bien entendu d'une histoire réelle que s'inspire Jan P. Matuszynski dans Ne pas laisser de traces (de marques, aurait été plus juste), un film puissant et incroyablement dense qui ne laisse rien de côté concernant les manipulations des autorités, d'une part, et le calvaire vécu par la mère de la victime et par le témoin principal, un garçon de 24 ans, d'autre part. Une véritable immersion dans la Pologne des années 80, conduite à la manière des meilleurs thrillers américains des années 70, signés Lumet ou Pakula, par exemple. Mais il n'y a pas que le suspense, permanent, ni que l'atmosphère, poisseuse à souhait : Ne pas laisser de traces est un grand film politique qui montre comment un régime dictatorial, qui contrôle la vie des citoyens, fait exploser les familles les plus soudées, à coup de chantages et de révélations plus ou moins fabriquées. Le film, exempt de longueurs malgré sa durée de 2h40, réussit le prodige de rester toujours clair malgré la complexité des différentes intrigues et le nombre imposant de personnages. Celui qui touche le plus, d'ailleurs, n'est pas toujours central, bien qu'il s'agisse de la mère de la victime, poétesse de son état et opposante déclarée. L'actrice qui la personnifie, tout en douce subtilité, incarne à la perfection ces incorruptibles que l'on aime voir au cinéma, face à des éléments presque tous contraires. Et il faudra trembler jusqu'à la fin pour cette amoureuse de la liberté et de la vérité, et savoir si, oui ou non, elle pourra résister à la tempête et obtenir enfin justice pour le meurtre de son fils.