Remake ? Reboot ? Suite ? Il est difficile de trancher sur la véritable nature de cette production, sortie sur la fin de la grande vague de remake dans la seconde partie des années 2000. Si le film a quand même plus des airs de suite, il ressemble à une sorte de remake des trois premiers volets de la saga. Mais se rapproche bien plus d’une énième suite.


La séquence d’ouverture présente des campeurs, dans le plus pur style du slasher. Comptant parmi eux un geek, un chaud du’c et sa copine, ainsi qu’un beau gosse relou qui veut chopper une jeune prude… Ça boit, ça fume, ça baise, aucun doute possible, c’est bien un « Friday the 13 h », avec des clichés poussés à l’extrême.


Le geek est obnubilé par la weed, il porte de grosses lunettes et un T-shirt Star Wars. La nana chaude retire son sous-tif dans son dos pour chauffer son mec, en s’huilant les boobs, avant d’aller copuler dans les bois. Résultat, puisque dans ce genre de film ça ne se fait jamais attendre bien longtemps, Jason débarque, enferme la jeune femme dans son duvet, et l’accroche au-dessus du feu de camp. Hardcore.


Le couple un peu plus prude décide lui d’aller visiter les environs, en pleine nuit donc. Ils découvrent un ancien baraquement, à l’intérieur duquel se trouve un autel morbide avec la tête pourrissante d’une vieille femme. Marcus Nispel utilise patiemment sa première demi-heure pour revenir, en accéléré, aux bases de la franchise. Jason porte alors un sac de jute sur la tête, donnant à l’ensemble plus des airs de remake que de reboot.


Le métrage se montre percutant, avec sa musique catchy très 80’s (« Sister Christian » par Night Ranger). Il en va de même dans sa reconstitution millimétrée des codes issus des bons vieux slashers, pourtant sclérosés au point de mettre du plomb dans l’aile du genre à la fin des eighties. Même la machette en pleine tête arrive en un rien de temps. La couleur est annoncée, l’expérience est bien un « Friday the 13th » dans les règles de l’art : moderne, gore et gritty, il répond aux standards des années 2000.


Ce qui est un peu dommage, c’est que le film tombe parfois dans le piège de la complaisance, et peine à éviter certains écueils, qui rendent le tout trop prévisible. Mais puisqu’il s’adresse avant tout à une nouvelle génération, par l’exploitation des codes que tout le monde n’a pas, c’est le rôle du remake de les populariser. Le métrage devient dès lors plus une invitation à découvrir l’univers scrupuleusement codifié du tueur de Crystal Lake.


Dans la seconde partie se retrouve une galerie de jeunes venus s’éclater dans le cottage campagnard du papa de l’un d’eux. Sur leur trajet ils croisent un beau rebelle en moto qui cherche sa sœur disparue (présente dans la séquence d’ouverture). Deux quêtes, deux ambiances. Le groupe de jeunes imbus d’eux-mêmes, insipides et génériques, servent d’amusement à un scénario qui propose un petit roller coaster horrifique plutôt bien troussé.


Dans une démarche très classique, les personnages se résument à des conventions ambulantes. Ils boivent de la bière, fument des joints, et ne pensent qu’au cul. Toutefois, il y a certaines évolutions, comme le cliché du « black cool » qui est brisé, ou l’arrivée des portables dans l’univers de la franchise. Si ces derniers ne servent pas à grand-chose, ils témoignent du changement d’époque. Dans l’ensemble c’est plutôt fun, comme ce couple faisant du ski nautique sur le lac, avec en fond « ’Tick Tick Boom » de The Hives. Cela illustre une certaine légèreté dans le traitement, doublé d’un sens aigu du divertissement, par un choix ironique de la bande sonore.


Le majeur problème de cet étrange remake se trouve dans sa propension à se vautrer un peu trop dans le convenu. Si l’ensemble se montre assez plaisant, et qu’il est très clair que le film suit à la lettre les codes de la franchise, ça manque d’audace. Les séquences potaches pêchent par leur mauvais goût, comme le pervers qui lèche une page de magazine porno, ou celui qui commence à se taper une queue dans le salon, quand les autres se trouvent à l’étage. En 2009, ces choix scénaristiques font déjà un peu datés, et reflètent d’une imagerie réac’ de la jeunesse.


Il en va de même pour le beau gosse en chaleur, propriétaire des lieux qui, face au refus de sa petite amie, la jolie et prude Jenna, décide de se taper l’allumeuse du groupe. Encore une fois, les clichés sont un peu convenus. Tellement imbu d’eux-mêmes, le duo adultère se filme en plein coït, et se regarde dans la TV, spectateurs de leur propre jouissance.


Cette séquence évoque la thématique la plus profonde du film, et elle se révèle un peu naze, puisqu’il s’agit de l’adultère. C’est un brin superficiel pour l’audience, et surtout ça véhicule des valeurs conservatrices, particulièrement présentes dans la vague de remake des années 2000, post-11 septembre. Les deux fauteurs sont ainsi punis par un Jason inflexible sur la tradition. La jeune fille est enfoncée sur les bois d’un trophée de cerf. Et le jeune homme est planté à l’arrière d’un pick-up, par une pique. Not cool.


Toujours est-il qu’au-delà de ça, le film de Marcus Nispel apporte quelques petits moments inattendus, et bien sentis, telle la réflexion qui entoure la convention de la finale girl. L’idée même de cette appellation est souvent considérée comme sexiste. Alors qu’au contraire, elle est à voir par le prisme d’une saga comme « Friday the 13th », telle la quintessence de la force féminine.


Il y a rarement de final boy (à part Tommy dans cette franchise), qui reflètent plus généralement l’échec du modèle masculin. Ce dernier réside ordinairement dans la conception même de Jason, soit un fils à maman n’ayant jamais coupé le cordon. On a vu mieux comme mâle alpha. Ce sont ainsi les femmes qui tiennent tête au tueur, par la ruse et leur courage elles parviennent à s’en défaire. Après, bien entendu, la convention s’est transformée en cliché, avec plus ou moins de réussite, car sur 12 films, la saga compte quand même un bon paquet de final girls, toutes différentes.


Par le biais du slasher, il est possible de détecter une métaphore sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, qui est somme toute plus compliqué pour les femmes. Elles doivent se confronter à la misogynie, au sexisme, à l’inégalité salariale, à une sous-représentation dans certains corps de métier, devant se battre davantage que les hommes pour se faire une place. Il existe pour exemple assez peu de femmes réalisatrices, alors qu’un regard féminin sur une franchise comme « Friday the 13th » apporterait un peu de sang neuf.


Même si cette proto-suite constitue un bon « Friday the 13th », et un slasher plus que correct, il lui manque une certaine originalité. Toutefois, dans la vague de remake de l’époque il se révèle un petit cran au-dessus. Avec son remake de « Texas Chainsaw Massacre », ouvrant la tendance en 2003, Marcus Nispel visait le haut du panier, et il met fin presque lui-même à la mode de ces remakes à tout va en 2009. Même son adaptation de « Conan » en 2011 était cool. Et « Pathfinder » en 2007 c’était génial (pour un film raté).


Il sait de quoi il parle, il maîtrise son sujet et il semble très clair qu’il a grandi avec cette franchise, tellement le personnage de Jason est parfaitement cerné. Il renoue avec la nature bricoleuse de l’entité, qui s’amuse avec tout ce qui lui tombe sous la main : des flèches en pleine tête, un tournevis dans la gorge, une hache jetée dans le dos, une pioche dans l’œil, et tant d’autres. Il continue aussi de se distraire, toujours avec des têtes coupées, n’ayant rien perdu du fun qui est le sien, comme cette façon bien à lui de terroriser ses futures victimes.


Le personnage connaît néanmoins une évolution dans ce remake, puisqu’il semble un petit peu plus malin qu’à l’accoutumée. Il fait des prisonniers, place des pièges à loups et des alarmes. Capable d’utiliser ses victimes comme appâts, il semble doté d’une forme de conscience de son environnement, qui atténuent (un peu) sa nature de machine bête à tuer.


Dans l’ensemble, le personnage de Jason peut être perçu comme l’incarnation d’une société déshumanisée, ou telle une bête aveugle qui broie quiconque sur son passage, sans donner dans le détail. À l’instar de l’institution, il ne meurt jamais et renait sans cesse pour revenir à la charge contre des ados. Ces derniers ont rarement mieux à faire que de l’affronter. De plus, il se révèle très difficile à combattre. Même pendu à une chaîne, il parvient à s’échapper (ça, « Die Hard » avait déjà montré que ça ne marche pas sur les méchants).


Au final la tête de ce pauvre Jason est passée dans un broyeur, qui lui déchiquète le crâne et la cervelle. C’est peut-être là l’une des raisons pour lesquelles il n’a pas été revu sur les écrans depuis 2009, donc il est p'titre vraiment mort cette fois. Néanmoins, la scène de fin, en forme de songe, le fait jaillir de l’eau, dans une citation classique de ses aînés.


« Friday the 13th » cuvé 2009, ça aurait pu être bien mieux, il est vrai que le film n’est pas exempt de maladresses, de facilités, et d’une certaine complaisance dans la représentation de l’univers. S’il s’amuse avec les clichés, il en devient malheureusement prisonnier, et ce qu’il manque à l’ensemble c’est une âme, capable de transcender la globalité du récit.


S’il reste efficace, et vraiment plaisant à suivre, dans sa générosité, son imagination, et sa volonté de faire évoluer le personnage, il lui manque peu pour devenir l’un des représentants incontournables de la saga. Au final, c’est juste un épisode de plus, à Crystal Lake, qui sans Jason n’aurait sans doute que très peu d’intérêts.


Body Count : 10 + 1 Mrs Voorhes, dans une introduction qui remake la fin du premier + Jason laissé pour mort au fond du lac.

Record égalé à 1 h 11. 23 noms au générique, 12 morts. Retour à un bodycount plus classique, plus proche des premiers.


The End…



Peeping_Stork
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le 13 mars 2020

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Peeping Stork

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