Friday the 13th Part V : A New Beginning (Danny Steinmann, U.S.A, 1985)


« Friday the 13th Part V : A New Beginning » est le premier de la saga à ne pas débuter par des extraits des précédents volets, et affiche directement une volonté de trancher avec la série pour repartir, comme son titre l’indique, sur du nouveau. Cependant, dès le départ le film se place paradoxalement dans la continuité, puisqu’il s’ouvre sur le rêve d’un Tommy devenu ados, clairement influencé par « A Nightmare on Elm Street ». Ça repart donc sur autre chose… tout en proposant la même chose…


Se voulant spectaculaire d’entrée le jeu, le titre du générique explose, percuté par un masque de hockey qui prend tout l’écran, le tout sur une musique dramatique, et le « A New Beginning » qui s’affiche en rouge. Puis le masque se tourne et s’avance vers l’objectif, qui passe à travers l’un des trous prévus pour les yeux. Épique donc.


Ce parti pris artistique peut sous-entendre que le point de vue du film aura comme perspective celle du tueur. Cela demande d’office un petit travail de réflexion aux spectateurices, alors que Tommy arrive dans une structure réservée aux jeunes à problème comportemental. En effet, Tommy est devenu un ado instable et ultra violent. Atteint de problème psychologique, il sort d’un institut psychiatrique de nature pénitentiaire.


Pour l’anecdote, même si ça n’a absolument rien à voir, le type qui gère la structure pour ados n’est ni plus ni moins que le même mec qui file son chapeau à Indiana Jones dans « The Last Crusade ». True story !


Revenons à « Friday the 13th Part V : A New Beginning », qui cherche à donner une dimension psychologique à la franchise, à travers le personnage de Tommy, traumatisé par les actes de la fin du précédent film. Il a certes vaincu Jason par un geste d’autodéfense démesuré, ce qui l’a complètement détruit. Faisant de lui un marginal.


En sous-texte, le métrage traite du traumatisme, de l’aliénation mentale, et de l’exclusion. Pour exemple, les voisins de la structure sont des whites trash bien caricaturaux, pas du tout jouasses à l’idée de voir tous ces jeunes dangereux dans le voisinage. La mention des personnages les plus clichés revient de droit au portrait d’un fils et sa mère, perdus au fin fond de la caricature.


S’y reflète également l’expression d’une crainte de ce qui est jeune. Cette peur infondée, mais palpable, est véhiculée par des personnes dont la seule ouverture sur le monde demeure la télévision. Ce médium décline l’image de la jeunesse des 80’s comme une accumulation de clichés sur la dépravation d’une génération, contemporaine de l’émergence de la Satanic Panic. Ce portrait fait peur aux personnes les plus influençables : ici les pécores.


D’ailleurs dans cette suite, ce ne sont plus forcément les jeunes qui se font trucider, mais aussi des adultes. Mais les clichés du genre sont bien respectés, puisqu’ils ne sont pas tués gratuitement. Ils écoutent du rock, boivent de la bière, font la fête, ils sont libidineux et ils prennent de la coke. Dans un « Friday the 13th » cela est rapidement récompensé par une mort violente. En effet, ces personnages plus âgés ont grandi dans l’Amérique du Flower Power, et représentent ainsi une menace pour l’American Way of Life tel que promut par l’administration Reagan, et auquel Jason semble très sensible.


« Friday the 13th Part V : A New Beginning » est également le premier à inclure des personnages afro-américains (le punk à chien du 3 ayant peu d’intérêt), dans des rôles prépondérants. Mais bien entendu, ils n’échappent pas aux clichés des « Blacks fumeurs de ouinj ». Et ils se font évidemment trucider pour ça. Néanmoins, leur présence traduit l’une des facettes positives de l’ère Reagan, qui reste d’avoir facilité à la communauté afro l’accès à la middle class. À cette époque se constitue même une bourgeoisie afro-américaine, 20 ans après l’obtention des droits civiques.


Malgré ces innovations, le métrage ne bénéficie pas tellement du charme des eighties, et se ramasse dans l’écriture de ses personnages, qui ne correspondent plus qu’à des fonctions ambulantes. Ces clichés se révèlent caricaturaux au possible, et ne résident que par la texture des conventions préexistantes, dont la représentation piétine un petit peu. Ils ne sont pas incarnés, ils n’existent pas autrement que pour servir de pâté à Jason.


Pas de doute, le métrage affiche une envie de briser un peu ses liens avec la « quadrilogie », mais ne parvient pas à exister au-delà de ses références. Cette démarche s’avère ratée, bien que le film déborde de bonne volonté. Cela l’inclut totalement dans la continuité de la franchise, avec la présence d’éléments devenus une sorte de tradition dans la saga.


Ainsi s’y retrouve le fameux coup de lame à travers le matelas, la scène de sexe, qui se déroule ici dans les bois, sous l’œil pervers d’un voisin redneck. Il se voit puni directement pour son voyeurisme. Et la démarche créative de Jason Voorhes, toujours à la recherche du meurtre le plus inventif. Ici, il utilise des cisailles, pour les enfoncer dans les yeux de sa victime. Ou encore une lanière de cuir plaquée sur les yeux d’une autre proie, qu’il serre comme un garrot avec un bout de bois


« Friday the 13th Part V : A New Beginning » demeure l’opus le plus généreux en meurtres en tout genre, mais ça n’en fait pas moins le vilain petit canard d’une saga qui commence à faire du surplace. Il y a ainsi clairement une volonté de trouver une orientation nouvelle, avec un peu plus de sérieux. Cela fait que le film se montre à plus d’une reprise involontairement drôle. Car il se révèle ringard, et correspond à une époque et à un style de métrage qui n’existe plus sous cette forme, et par défaut, il en devient un objet daté.


Contrairement aux trois premiers, qui demeurent aujourd’hui encore efficaces, ce cinquième volet s’écroule dans une expression d’autoparodie involontaire. C’est un peu la photocopie de trop, celle qui fait planter la machine, au moment où il y a plus de toner. Mais il s’en dégage quelque chose de généreux, même si c’est gentiment nul, c’est visible à l’écran qu’ils tentent bien tout leur possible pour relancer la franchise.


Et le film compte tout de même de bonnes choses, à commencer par l’approche de Jason, qui n’a jusque-là jamais connu une représentation aussi iconique. La pluie et l’orage offrent ainsi de superbes plans du personnage. Cela était totalement absent du précédent volet. Jason retrouve cette aura mystique qui dans le précédent était un peu éventée.


Il est également à noter que la final girl est complètement bad ass, et attaque Jason avec une tronçonneuse, sans sourciller. Ce personnage féminin fort manquait à la saga depuis quelques épisodes. Et puis bien entendu ce climax absolument étrange, avec un vieux twist tout pété qui retourne la situation : dans cet épisode Jason n’est pas revenu, il apparaît même que très furtivement dans le film.


Durant tout le récit, un arc développe l’idée que tout ce qui se passe est en réalité dans la tête de Tommy. Il est suggéré au public que c’est lui le tueur, mais cela ne fonctionne pas vraiment, puisque c’est trop appuyé. Au final, la révélation vient poser des questions et peut déranger tout autant qu’elle fascine. Mais en tout cas, il s’avère certain qu’elle donne au métrage une dimension étrange, qui valide sa volonté de briser les codes.


Comme pour « Halloween 3 » un parti prit original est osé. Bien qu’ici ça ne fonctionne pas des masses, c’est tout de même assez marrant. Cela fait de ce “Friday the 13th” l’un des plus étranges, mais qui cherche à renouveler la saga, tout en restant dans les cadres d’un genre devenus rigides.


Film désuet et certainement raté, « Friday the 13th Part V : A New Beginning » demeure un objet fascinant. Voir les créateurs se débattre avec une saga dont ils sont en train de violer les règles par leur démarche, sans jamais parvenir à s’en extirper, c’est délectable. Un peu comme regarder un poisson rouge hors de l’eau, mais il aurait de petits poumons et des petites pattes. Galérant comme pas possible pour avancer. Incapable de se trouver un autre but dans la vie, que celui d’un poisson rouge : tourner en rond.


Body Count : 18 + 4 (mais c’est dans un rêve) + 1 (mais il est tué à la hache par un “codétenu” psychotique) + le copycat de Jason.

Même si au final Jason ne tue personne dans ce film. 24 Morts, sur 32 noms au casting. Pas mal pour des amateurs.


To be ignored...

-Stork._

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le 4 sept. 2023

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