Le nouveau film de Jonas Trueba – dont j’avais adoré Eva en août, mon film préféré de 2020 – s’intéresse à deux couples de trentenaires, qui passent une soirée ensemble dans Madrid puis une journée ensemble dans la campagne. Deux parties, deux unités de temps qui seront espacées d’une ellipse de six mois. Dès le début il en faut peu à Trueba pour imposer son style, cadrant chacun des visages, individuellement, durant de longues secondes, le temps d’un concert d’un pianiste. Tandis qu’ils sont pourtant silencieux, cette séquence raconte beaucoup de chacun des personnages. C’est très beau. Ce qui l’est aussi c’est son ancrage dans l’actualité, cette façon qu’il a d’évoquer la pandémie (le temps qui passe, les bouleversements, les masques) sans en faire le sujet. Si le film m’évoque autant Hong Sang-Soo que Rohmer c’est moins une question de ton que de rapport aux lieux, l’importance de l’espace dans lequel évoluent les personnages. Et si le temps d’une scène dans un train, silencieuse encore, on entend « Let’s move to the country » de Bill Callahan, ce n’est pas pour faire joli : le récit s’en nourrit, les échos ne vont pas tarder à se faire entendre. « Let’s have a baby » peut-on entendre dans les paroles, un moment. Et c’est au cœur du film puisqu’au cœur de deux choix de vies opposées et de deux situations, deux temporalités, où la réalité de la grossesse s’est trouvée modifiée à six mois d’intervalle. La discussion, plutôt brève, entre les deux amies est un moment de grâce, absolument bouleversant. Et d’une manière générale, le film se permet de prendre son temps, s’octroie des instants de suspensions, alors qu’il s’étire sur un format étonnamment court (étant donné la possible envergure de son propos). La toute fin – une mise en abyme qui n’est pas sans évoquer Le goût de la cerise et bien d’autres films – me semble faire office de pirouette théorique de sortie un peu facile. Néanmoins j’aime l’idée que le relais se fasse sur un fou rire et pas celui de n’importe qui. N’y allons pas par quatre chemins : Itsaso Arano, te quiero.