Les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures à ce qu’on dit. Mais est-ce que par réciprocité, les plus longues seraient certainement les moins bonnes ? Question épineuse, me lancerez-vous, mais pas de panique, la saga Venom par Sony/Marvel est là pour servir d’exemple. Parce que la boutade dure depuis 2018, avec la sortie du premier film réalisé par Ruben Fleisher qui, s’il n’était pas un chef-d’œuvre, avait le courage d’essayer (c’est déjà ça).
Et ça a suffi à engranger plus de 850 millions de dollars à travers le monde. Un petit braquage qui posait des bases timides, mais intéressantes et porteuses d’espoir pour un deuxième opus sous la houlette de Andy Serkis. Sauf que cette fois-ci, Venom : let there be carnage s’est dévoilé en une des plus grosses arnaques de 2021, une bromance aux pitreries incessantes qui s’est rappelé 20 minutes avant de se clore qu’on avait introduit un antagoniste dans la scène post-générique de son prédécesseur et que ce serait peut-être pas mal de s’en servir un peu. Et paf, plus de 500 millions de dollars à l’international, alors que le monde et le cinéma se remettaient doucement en marche des séquelles liées au Covid.
Nous voici donc en 2024, appréhendant la sortie de Venom : The Last Dance qui, de son titre, semble enfin être le chant du cygne d’une plaisanterie qui a assez duré. Mais qu’en est-il réellement ? Pour faire simple, ce troisième volet est le parfait mélange de ses aînés, dans ses rares bons côtés, mais surtout dans tous ses mauvais. Ce coup-ci, Eddie et Venom sont en cavale où chacun est traqué par ses semblables. À partir de ce postulat, on pouvait espérer une lutte musclée de la part de notre symbiote et son porteur pour nous accompagner pendant les 1h50 dont est composé le récit, mais n’importe quel manant qui attendait ça du 2 et qui a posé son regard dessus sait qu’encore une fois c’était sûrement trop demandé.
À la place, on a reçu des scientifiques et des militaires qui veulent étudier et s’approprier les fleurs noires comme dans le un et une palanquée de sketchs à la manière du second opus, avec tout ce que ça a de plus gênant et limité. Comprenez par là qu’on va introduire de nouveaux ou rapatrier d’anciens personnages pour les déranger le temps d’une ou deux blagues, montrant Venom faire le pitre avec eux (le casino avec Mrs. Cheng). Mais encore, si ces gags étaient originaux, ils seraient plus faciles à tolérer… mais la séquence de tentative de cocktail a l’air copieusement calquée sur celle du petit déjeuner servi dans le deux… Pour dire à quel point la flemme est à peine voilée, ces deux moments interviennent au début des deux histoires, au même moment.
Les nouveaux visages, eux, sont un ensemble de fonctions dispensables, à commencer par l’antagoniste principal, Knull, qui au terme du récit, bien ancré dans son siège, aura réussi à relever la tête au détour d’une scène post générique. Si ça c’est pas de la profondeur, voilà une évolution exemplaire. Tout scénariste serait jaloux. Bref, les germes sont semés pour plus tard, soit, mais laisser le menu fretin pour l’ultime lever de rideau attriste. Du reste si ça vous excite voire suffit de mater l’extraterrestre se greffer à un cheval ou un poisson, alors revoyez vos attentes à la hausse s’il vous plaît, c’est tendre le bâton pour se faire battre.
Il n’y a que peu de choses à se mettre sous la dent derrière la caméra et ce n’est pas la mention tout public qui pourra rassasier les spectateurs avides de trouver leur Klyntar bouffer la tête de ses ennemis puis qu’ici, presque aucun jaillissement d’hémoglobine ne survient en cours de route. Les maigres espoirs qui restent pour la livraison d’un divertissement qui soit au moins un minimum régressif se dirigent donc vers la prochaine production de l’univers Marvel/Sony : Kraven (pitié redresse la barre). Y a aussi ce montage qui te prend pour plus bête que tu n’es qui s’amuse à te remémorer des événements avec des plans qui ressurgissent alors que tu les as vus y a tout juste dix minutes.
Si encore le scénario était compliqué, on dit pas non… mais là. Dans ses plus nobles intentions (qu’on lui prête parce que c’est pas sûr que ça a été pensé en tournant), on saluera la volonté d’une imagerie empruntant au vampire en faisant de l’hôte un Dracula clodo des temps modernes, foulant la nuit de ses crocs rapiécés à la recherche de chair fraîche. Pareillement, Venom 3 se rêve en l’égal du chef-d’œuvre français Jeff Panacloc : À la poursuite de Jean-Marc et n’hésite pas à citer le ventriloque dans la dynamique forgée entre ses deux protagonistes. Suivant la même structure que ses prédécesseurs, The Last Dance voudrait tout faire péter dans un climax spectaculaire.
Alors attention parce qu’à partir de là on va spoiler. Le souci, c’est qu’il a autant d’inventivité et de générosité qu’un Power Rangers ou qu’un Shazam qui libérait toute une équipe pour tabasser du méchant bien avant 2024. Donc voir les p’tits potes à la compote de notre ami Alien — dont chacun est doté d’une spécificité propre (et donc clichée) — attaquer à l’unisson avant d’être supprimés comme de vulgaires sbires, tient plus du comique que d’une récompense pour avoir résisté et ne s’être pas barré pendant la séance.
On remerciera en revanche cette volonté d’honorer son titre, car oui, le parasite ne s’en sort pas. C’est d’ailleurs la seule bonne idée de ce final. Aller au bout des choses. Pour peu qu’on soit attaché aux deux gros débiles qu’on a subis trois longs-métrages durant, le sacrifice tirant vers le solennel sonne la délivrance, mais réveille également l’intérêt. Et c’est tout bête, mais dans une industrie où on a visiblement du mal à se séparer de son gagne-pain, quand bien même cela pourrait être bénéfique pour la suite de la continuité sérielle (Ant-Man: Quantumania… tu étais l’élu, Stranger Things et ses héros intouchables), eh bah une disparition, ça a du poids, de l’impact.
Le plus gros atout de ce Marvel/Sony est donc de tirer sa révérence en embrassant une amertume cathartique toujours trop rare, et pourtant si simple à exécuter. Réflexion faite, ce coup de génie témoigne d’une logique cynique, propre à celle des studios. La saga a tâtonné, s’est trouvée (et quelle trouvaille), mais a placé ses pions pour faire perdurer sa star quoi qu’il arrive (et on ne parle pas de Tom Hardy). Cette finalité n’est que le commencement d’une autre. Rappelons-nous d’un bout de la créature visqueuse égaré chez Marvel dans No Way Home. Ainsi le parasite n’est pas totalement mort et reviendra un jour par n’importe quel moyen. Reste à savoir s’il aura meilleure mine.