Une Vénus difficile à regarder
Ce film confirme que Kechiche est un grand, un nouveau grand du cinéma français, et qu'il faut maintenant compter avec lui.
Je n'ai pas vu La faute à Voltaire.
J'ai beaucoup aimé L'esquive, mais lui ai préféré La graine et le mulet, véritable chef d'oeuvre selon moi.
Vénus noire confirme donc le talent de Kechiche : son talent de filmer la vie au plus près, grâce à des plans serrés non pas abusifs mais bien maîtrisés. Son talent de conter des histoires qui font sens, qui portent du sens, surtout celle-ci.
Car que dire de plus? Sincèrement, ce film m'a écoeurée, dégoutée : comme rarement pendant un film, j'avais envie de partir avant la fin, car je n'en pouvais littéralement plus. Ce film est insupportable à regarder. Il m'a donné envie de vomir. Certaines scènes sont in sou te nables. Mais rendent le film fort car elles décrivent, accusent, acculent. Et font honte. Honte d'un passé dans lequel la France colonialiste (et encore esclavagiste) se prenait au jeu du montreur d'ours, de curiosités, et riait de ces "Freaks" comme on les appelait.
Mais c'est plus que cela : il ne s'agit en fait pas de faire le procès de la France spécifiquement. Mais plutôt de l'homme, de l'espèce humaine, voyeuse, sans complexes, ayant parfois le goût de l'acharnement, de la mise en pâture, de l'exaltation de la différence physique.
La presse, malgré des critiques élogieuses, a parfois reproché au réalisateur, une exagération et une répétition des scènes parfois identiques.
Mais les scènes se suivent et ne se ressemblent pas : elles évoluent, elles s'amplifient, elles vont crescendo, pour nous écœurer et nous faire nous interroger : pourquoi? comment?
Je pars du principe qu'un film qui "retourne le bide" ne peut pas être mauvais, car il a au moins le mérite de provoquer une réflexion et de faire bouger des choses en nous.
Celui-ci, bien que difficile à regarder et digérer, n'est non seulement pas mauvais : c'est un nouveau chef d'oeuvre de Kechiche, fort, brut et retournant.