Je viens de voir avec émotion, et sans que la durée du film m'ait pesé, Vénus Noire de Abdellatif Kechiche, ou le destin tragique et véridique de Saartjie Baartman, femme Hottentote remarquable pour ses fesses et ses organes génitaux hypertrophiés, devenue tout à la fois objet de foire, exhibée , moquée, palpée, mais aussi de désir et de fantasmes exotico-érotiques, soumise aux perversions des hommes, et aux préjugés du XIXe siècle concernant les races dites inférieures.
Il faut saluer la performance de l'actrice qui par de simples regards ou des silences lourds de sens nous fait sentir le calvaire de sa condition : 5 ans à s'exhiber tenue en laisse, dans une cage, dix heures par jour, pour finir dans les salons londoniens et parisiens, humiliée, offerte au voyeurisme primaire de la bonne société en rut qui se repaît avec délectation du spectacle de son intimité exposée aux yeux de tous, exutoire collectif révélateur des plus bas instincts.
Puis la prostitution passage obligé, mais seule occasion pour elle, un comble (!) de connaître enfin un peu de chaleur humaine, et pour finir, son corps livré aux Savants de l'époque qui n'hésiteront pas à mutiler son cadavre au nom de la sacro-sainte Science, lui enlevant jusque dans la mort, sa part de dignité.
Une oeuvre très forte et particulièrement dérangeante, que j'ai prise néanmoins comme un hommage à cette Vénus Hottentote morte à 27 ans, dont le moulage fut exposé au Musée de l'homme à Paris jusqu'en 1974 et ses restes rendus à l'Afrique du Sud en 2002 seulement.