Dans ce film du début de la carrière du réalisateur (1950), la musique devient un sujet à part entière, son titre rappelle "L'Ode à la Joie" et la "Neuvième Symphonie" de Beethoven. Le chef d'orchestre Sönderby recrute deux jeunes violonistes, Stig Eriksson et Martha Olson, anciens camarades de conservatoire qui se sont perdus de vue. Stig veut devenir soliste, rêve de succès, d'argent et de réussite sociale, méprise la médiocrité de son entourage et se croit appelé à un Destin supérieur. Martha veut changer de vie après un divorce et une vie sentimentale agitée. Ils se marient et le premier cadeau de Stig à Martha (un ours en peluche) devient leur mascotte, porte-bonheur de leur couple.


Le film commence au cours d'une répétition d'orchestre de la "Neuvième" quand Stig apprend la mort accidentelle de sa femme. Le premier choc passé il se souvient de leur rencontre, de leur mariage, de leur vie avec des jumeaux et de malheurs dont il est seul responsable. Avant la fin du film, l'action revient au présent d'un homme veuf, pendant une répétition et un concert de la "Neuvième Symphonie" de Beethoven.


Stig était-il fait pour le mariage ? Ce carriériste rétif au bonheur familial, qu'il juge mesquin, refuse d'avoir des enfants par égoïsme, si bien que Martha doit ruser pour agrandir leur famille. Quand Stig gâche sa chance de devenir soliste, il compense son échec en prenant une maîtresse. Cela entraîne la séparation de leur couple, le temps que cet égoïste candide (ce tête à claques, si l'on préfère !) comprenne avec quelle femme il pourra redonner un sens à sa vie à la dérive ("Seule Martha peur m'aider !").


Leur témoin de mariage, le vieux Sönderby (Victor Sjöström est un Chef très humain), devient un familier discret du couple et de leurs jumeaux. Il regrette son manque de talent littéraire, de ne pouvoir écrire la réalité profonde de leur amour. Sönderby connaît l'ambition dévorante du jeune Stig et il l'avertit quand il le choisit comme soliste : "La musique doit être un but, non un moyen !"


Bergman raconte avec malice l'itinéraire d'un ambitieux, déboussolé par son échec comme soliste, qui devenu veuf reporte son ambition sur son fils. Martha enterrée, l'ours en peluche n'est plus crédible comme porte-bonheur, sa nouvelle mascotte est son fils, assis dans un fauteuil pendant une répétition de la "Neuvième". Il sera musicien, poète ou artiste, c'est sûr.


Le film est une déclaration d'amour de Bergman pour la Musique, que l'on doit servir avec humilité et désintéressement - comme une divinité. Avant le concert beethovénien final, le Chef Sönderby tente d'expliquer ce qu'est la Joie selon le Maître de Bonn. Ce que j'en ai compris ? Il ne s'agit pas d'un bonheur individuel, mais de l'Allégresse créatrice qui dans l'éternité des jours et des nuits crée le monde comme on respire - une Joie cosmique et impersonnelle moteur de l'univers.

lionelbonhouvrier
7

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le 22 oct. 2018

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