A force de nous plaindre que Netflix et les autres plateformes multiplient les mauvais films de Science-Fiction et nous gâchent peu à peu notre amour du genre, il fallait bien qu’un film comme Vesper Chronicles débarque sur nos (grands) écrans, en plein désert estival, pour nous faire du mal. Car le film de la Lithuanienne Kristina Buozyte, déjà repérée il y a dix ans avec son Vanishing Waves, avec son complice scénariste – et ici co-réalisateur – français Bruno Samper, ne va pas nous ménager, près de deux heures durant !
Son sujet ne prête déjà pas à rire : Vesper Chronicles se passe dans un monde – notre futur - écologiquement dévasté (les scientifiques s’étant plantés dans les grandes largeurs en essayant de réagir à la dernière extinction de masse en jouant aux généticiens apprentis sorciers) où il n’y a plus d’agriculture et où, dans un système féodal (en pire), les oligarches se sont réfugiés dans des citadelles impénétrables à ce qui reste du commun des mortels. Vesper est une adolescente géniale qui se livre à des expériences visant à redonner une fécondité aux graines que les oligarches, suivant la recette Bayer-Monsanto, abandonnent aux serfs en échange de leur sang. Elle doit aussi prendre soin de son père, paralysé et raccordé à tout un système de survie, dont un petit robot volant. Un jour, deux appareils venus de la citadelle la plus proche s’écrasent à proximité, déclenchant une terrible réaction en chaîne qui remettra totalement en question le monde de Vesper.
Les échos de notre situation actuelle sont évidemment nombreux, et l’ultra-réalisme de la description qu’offre Vesper d’un univers post-apocalyptique à la fois misérable et dangereux (avec le développement d’une végétation littéralement mortelle) se révèle vite particulièrement accablant. Si l’on ajoute de longues scènes, sinon réellement gore, mais tout au moins extrêmement malaisantes, dénotant peut-être de l’influence d’un Cronenberg sur nos deux auteurs, la première partie du film, à la fois très lente et terriblement douloureuse, se révèle une réelle épreuve pour le spectateur habitué à des spectacles plus chatoyants ! Plusieurs personnes ont d’ailleurs quitté la salle durant la séance à laquelle nous assistions.
Il faut en effet s’armer et de patience – le film n’évite pas l’ennui, par moments – et surtout de résilience face à des images dures pour atteindre la récompense, qui vient dans une seconde partie où l’intrigue converge vers des situations conflictuelles, puis violentes (pas de spoilers ici !) avant une conclusion à la fois satisfaisante thématiquement et totalement ouverte : au cas où Bozyte et Samper trouveraient quelqu’un pour financer une suite, l’histoire de Vesper pourrait et devrait se poursuivre.
Rempli d’idées originales, privilégiant les effets spéciaux « mécaniques » et n’utilisant le digital que lorsqu’il est indispensable, Vesper Chronicles est régulièrement surprenant, témoignant d’une véritable proposition esthétique en accord avec sa thématique : pour faire simple, le film est plein de choses que nous n’avons encore jamais vues à l’écran, ce qui en fait une proposition très alléchante pour tout véritable adepte de Science-Fiction intelligente. Le public moins « spécialisé » pourra toujours apprécier la beauté cauchemardesque de certaines images, et l’interprétation impeccable de la jeune Raffiella Chapman (15 ans seulement) et du vétéran Eddie Marsan, toujours convaincant quand il s’agit de jouer les ordures compliquées.
Maintenant, autant être prévenu, ce film, impressionnant comme il est, n’a certainement rien d’un divertissement estival léger !
[Critique écrite en 2022]
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