Comment faire de la science-fiction en 2022 ? Surtout, comment en faire lorsque les moyens dont nous disposons sont relativement limités ? Le passé nous a déjà montré que l’absence de moyens n’était pas un frein à l’ambition, ce qui prime restant l’idée de base. C’est bien ce que montre Vesper Chronicles, un film qui a certes ses limites, mais plein d’idées en tête.
Comme souvent dans les films d’anticipation, Vesper Chronicles ne dépeint pas un futur des plus réjouissants. Dépassée par ses propres expériences et sa quête de domination à l’égard de la nature, l’humanité a provoqué un effondrement massif qui l’a fait régresser de plusieurs siècles. Certes, la technologie a évolué, mais c’est dans un milieu désormais hostile que l’espèce humaine doit survivre. Groupés dans des petits villages qui ressemblent plus à des camps de fortune, les survivants subsistent, pendant que d’autres, plus aisés, se sont retranchés dans d’immenses citadelles, protégées du reste de la population faute de pouvoir subvenir aux besoins de tous. C’est dans ce monde que grandit Vesper, une jeune fille qui a appris à maîtriser certains aspects de la nature qui l’entoure, et qui veut s’échapper de ce milieu, notamment pour son père, alité, qui l’accompagne et communique avec elle par l’intermédiaire d’un petit drone.
La première chose qui frappe dans Vesper Chronicles, c’est l’absence d’adultes, ou, en tout cas, leur relative minorité par rapport aux enfants. D’un côté, nous avons le père qui est physiquement anéanti, et de l’autre l’oncle qui garde des enfants à sa solde, s’en servant comme soldats, voire pire. Le constat semble donc limpide : le passé et les prédécesseurs ont échoué, léguant à ces enfants un monde désolé et perverti, l’espoir appartenant à ces derniers, qui ont la responsabilité de tenter de sortir ce monde de sa torpeur. Le monde décrit par Vesper Chronicles est très paradoxal, apparaissant désolé et dévasté, tout en débordant de vie, de créatures et de végétaux étranges, avec des visuels et un sound design très organiques.
En effet, le futur tel que nous l’imaginons est souvent mécanique, robotique, à l’image des Metropolis, Blade Runner ou encore Terminator, pour ne citer qu’eux, où la machine se mêle à l’humain pour finir par le supplanter. Ici, l’homme a déréglé la nature et c’est ce qui a, finalement, provoqué la revanche de cette dernière sur l’espèce humaine. C’est l’un des aspects les plus intéressants de Vesper Chronicles, qui fait des sauvages forêts lituaniennes le théâtre de cet avenir génétiquement modifié. Un film qui n’hésite pas non plus à être violent visuellement et psychologiquement, la présence d’enfants dans dans rôles-clé ne devant pas tromper le spectateur. Violence physique, viol, pédophilie, le film ne nous épargne pas pour dépeindre ce monde dépourvu de pitié, où les instincts les plus primaires et nocifs s’expriment sans entrave.
C’est peut-être là que Vesper Chronicles commence à montrer ses limites, se voulant exhaustif, dans sa volonté de donner vie à cet univers, d’alerter, de décrire un futur crédible et désenchanté, multipliant les intentions sans éviter complètement le piège de l’inventaire. Car, en compensation, l’histoire s’avèrera plus classique, diluée dans cette longue exposition, finissant par patiner par moments et par nous prendre de court au moment où le générique se lance. Dans son imperfection, Vesper Chronicles ne manque pas de proposer quelques éléments de grâce et à tirer son épingle du jeu, offrant un point de vue original et intéressant, une belle proposition, imparfaite certes, mais ambitieuse et tangible.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art