En ce terrible jour du 11 septembre 2001, resté dans toutes les mémoires, alors que le chaos et la terreur s’empare du monde, dans les coulisses du pouvoir, l’heure est aux décisions. C’est dans l’ombre que celui qui était le numéro 2, celui qui n’était « que » le vice-président, va montrer qu’il est bien le commandant à bord.
Dick Cheney n’était pas un homme invisible, il était même très présent. Mais, fatalement, nous retenons souvent davantage ceux qui sont en tête. On se rappelle des présidents, mais qui se rappelle des vice-présidents ? Il conviendra donc ici de dire que si on caractérise Dick Cheney comme un « homme de l’ombre », ce n’est pas parce que nous ne le voyions pas, mais parce que nous percevions probablement mal son influence sur la politique des États-Unis au début des années 2000. C’est ainsi qu’Adam McKay oriente Vice, afin de retracer le parcours de cet homme hors normes. Et autant qu’il était hors normes, Adam McKay choisit de livrer un biopic hors normes, dans la veine de son très bon The Big Short, sorti il y a trois ans.
Vice n’a pas été conçu pour être un biopic classique. On sait que l’exercice du biopic est souvent limité par la réalité des faits, mais cela ne l’empêche pas de faire preuve d’originalité et de choisir des angles d’attaque plus osés. D’ailleurs, l’équipe du film aborde directement le spectateur avec franchise, avec un titre indiquant qu’ils ont fait au mieux pour raconter la vérité telle qu’elle est, que chacun est libre de l’accepter telle qu’elle est ou non, « mais putain, on a bossé ». On ne peut que constater qu’Adam McKay s’amuse dans Vice, un film décomplexé et glaçant, un tragi-comique grinçant qui ausculte les arcanes du pouvoir où l’opportunisme est la clé. Car si Vice a tendance à aborder les choses avec un ton un brin moqueur et comique, on a envie de rire jaune plus d’une fois.
Vice vient déconstruire le mythe du « self-made-man », en racontant l’histoire de cet homme qui dut toucher le fond pour repartir à zéro, et s’embarquer dans une carrière politique décidée sur un coup de tête, qui finira par mener Dick Cheney dans les plus hautes sphères du pouvoir. Ce parcours a pour intérêt de montrer les coulisses de la vie des dirigeants pour montrer les machinations et les nombreux arrangements dont ils peuvent faire preuve, mais l’intelligence de Vice est aussi de mettre les diriges face à leur propre situation. Car nous nous plaisons à critiquer ces hommes pour leur manque d’honnêteté et leur absence de valeurs, mais nous ne sommes parfois pas les meilleurs juges. L’idée est d’établir un parallèle entre le microcosme composé par les hommes et femmes politiques, et la société elle-même, en utilisant Dick Cheney, ancien ouvrier démuni, devenu patron d’une grande firme et homme politique hautement influent, comme passerelle entre les deux.
En mélangeant les flashbacks, en n’hésitant parfois pas à être frénétique et nerveux, Vice se veut énergique et pinçant, n’hésitant pas à s’aventurer dans le grotesque, simplement pour montrer que ce grotesque n’a rien à envier la réalité. Il convient de souligner la qualité de la prestation de Christian Bale, qui bénéficie certes de son impressionnante transformation et du maquillage, mais qui est troublant de vérité, se confondant parfaitement dans son personnage. Vice ne manque pas de faire preuve d’audace, qui ravira certains, et qui passera pour de l’esbroufe pour d’autres. C’est surtout un biopic intelligent, qui réussit à nous faire rire et qui, en même temps, nous met une tape derrière la tête pour nous rappeler à l’ordre. Il n’hésite pas à remettre tout le monde à sa place, et on en ressort autant scandalisé qu’avec une certaine envie de se remettre en question.