Personnellement je n'avais pas du tout aimé "The Big Short : Le Casse du siècle" (2015) du même réalisateur : beaucoup trop américain à mon goût, extrêmement frontal dans sa manière de nous présenter la crise des subprimes, très caricatural et moralisateur, le film ne faisait en réalité que rendre ses personnages d'autant plus caricaturaux et ridicules à l'écran, un peu à la manière de "Wall Street : L'argent ne dort jamais" (2010) d'Oliver Stone. Le personnage de Christian Bale ne parvenant alors à aucun moment à nous immerger au sein de cette fiction qui avait par moment des allures de spectacle guignolesque et encore moins celui de Ryan Gosling ni même celui de Steve Carell.
Tout le contraire ici de ce stratège politique parfaitement dépourvu de toute morale ou d'éthique interprété par Christian Bale de manière absolument remarquable il faut bien l'avouer. Cet acteur me surprendra définitivement toujours !
C'est probablement d'ores et déjà très compliqué de parvenir, par le biais d'un film, à traiter de géopolitique tout en maintenant le spectateur éveillé du début à la fin mais ça l'est très certainement d'autant plus lorsque le personnage principal de l'intrigue se trouve être un homme constamment froid dans ses expressions physiques et dont la qualité principale consiste précisément à se tenir à l'écart... En effet, tout le propos du film consiste ainsi à nous exposer tous les rouages de la machine politique en nous livrant par là même le portrait de l'homme, Dick Cheney, qui en était aux commandes. Le film est en cela d'autant plus réussi que l'individu qu'il place sur le devant de la scène constitue précisément tout l'inverse d'un homme de spectacle susceptible de divertir le spectateur. A l'image en cela du seul discours politique qu'on le voit tenir à l'écran, force est de constater que s'il peut s'avérer calculateur, manipulateur et brillant stratège, le personnage de Christian Bale fait néanmoins partie de ceux que l'on ne place en temps normal jamais au centre d'une intrigue au cinéma et encore moins de ceux auxquels on donne le premier rôle dans un film. Or malgré cela, Christian Bale et son personnage de salaud machiavélien sont néanmoins présents sur pratiquement 90 % des plans du film et pourtant...pourtant force est de constater selon moi que l'on ne voit vraiment pas le temps passer !
Son metteur en scène Adam McKay ayant su ainsi intelligemment canaliser toute l'attention du spectateur au moyen principalement du rythme et de la musique et en conférant à l'ensemble un aspect documentaire fictif très bien orchestré : pas d'apitoiements inutiles ni même de digressions larmoyantes, l'intrigue se poursuit à l'image de la manière dont Dick Cheney poursuit son ascension et sa politique, de façon implacable et parfaitement calculée. A l'issu du film on a ainsi le sentiment assez troublant que demander à un tel homme de s'excuser pour ce qu'il a fait durant sa carrière apparaît en réalité complètement hors de propos, comme si cela revenait en effet presque à demander à un lion de s'excuser pour avoir tuer et manger une gazelle. Si la droiture morale constitue toute la force d'un personnage tel que celui du super héros au cinéma, force est de constater qu'ici c'est précisément tout le contraire et que c'est justement tout le vice de Dick Cheney prenant la forme d'une soif insatiable de pouvoir qui lui confère toute sa force. Le réalisateur américain parvient au final avec brio à nous livrer avant tout le portrait d'un homme qui n'a absolument pas le moindre remord et qui ne regrette rien. Le portrait en somme d'un véritable salaud au gros cœur dont la nature intrinsèque le pousse de façon viscérale à vouloir le pouvoir et à vouloir se l'accaparer sans jamais s'interroger sur le caractère moral ou immoral des conséquences de ses actes...