Après The Big Short, Adam McKay poursuit son virage de la comédie grasse vers la comédie satirique et politique avec la volonté (et le plaisir) évident(e) de venir taper là où ça fait mal. Le cinéaste dresse le portrait au vitriol d’un homme de l’ombre qu’il n’a lui jamais oublié : Dick Cheney. Faisant de nouveau équipe avec le caméléon Christian Bale, le résultat est plus qu’à la hauteur des attentes.
L’humour au service de la satire politique. Une idée pas si sotte que ça. Là où des cinéastes ont tapé avec beaucoup de sérieux et de premier degré sur la politique américaine des années 2000, Adam McKay choisit de se servir de l’arme qui a fait sa gloire pour dépeindre un milieu qui se révèle souvent aussi grotesque. Fort de son oscar pour The Big Short, McKay réutilise la même méthode, poussant tous les curseurs au maximum, pour faire le biopic de l’une des figures majeures de la politique américaine de ces 50 dernières années : Dick Cheney.
D’une jeunesse napée dans l’alcool, en passant par l’influence de sa femme, à son entrée en politique (et le choix de son parti) jusqu’à sa prise de pouvoir en tant que vice-président le plus puissant de la galaxie, toute la vie de Dick Cheney (Christian Bale) est passée au vitriol. Personnage énigmatique, homme de l’ombre, tantôt dépeint comme un imbécile puis comme un véritable génie du mal, Cheney est un vampire qui s’est nourri de l’Amérique, tordant sa Constitution, pour changer à jamais l’image du pays et son implication dans le monde (géo-politique). La seconde guerre du Golfe, c’est son ouvrage (entre autres).
La force et la puissance de Vice est multiple. Mention spéciale pour commencer à l’immense Christian Bale, que l’on oublie complètement derrière le masque de Cheney. Remerciant Satan lors de son discours aux Golden Globes, le comédien vampirise, comme son personnage, littéralement l’écran. Le reste du casting n’est pas en reste, que se soit Amy Adams en épouse dévouée et femme qui aura façonné l’ambition maladive de son mari, ou encore Steve Carell, parfait de cynisme en Donald Rumsfeld. Comme pour The Big Short, les plus grandes qualités du film se situent dans le scénario, qui fourmille de bonnes idées, et enfin, dans le sens aiguisé et découpé du montage. Avec une histoire qui fait pas mal de va et vient dans le temps, le travail d’Hank Corwin est magistral.
Entre un narrateur mystérieux, un générique de fin en plein milieu du film, des moments totalement suspendus comme ce menu présenté par un Alfred Molina en serveur aux principaux protagonistes… Vice est une mine de trouvailles aux tons multiples : burlesque, absurde, tragique, insolent et on en passe. McKay a parfaitement compris comment traiter la politique avec humour : en faire un beau brûlot tout en faisait rire (très jaune). Le réalisateur ne prend ni son public ni son personnage principal pour des imbéciles. Car si il a tout du diable en personne, Cheney est aussi une haute figure dramatique. En témoigne la relation qu’il entretient avec sa fille gay. La seule limite que le personnage s’était fixé et qu’il sacrifiera au final sur l’autel du pouvoir, perdant au passage le peu d’humanité et de sympathie que l’on pouvait encore avoir pour lui… Du grand art !
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Avec l’art, la manière, l’intelligence et le culot, Adam McKay livre une excellente satire de la politique américaine et d’un homme en particulier : Dick Cheney. Cette figure tragi-comique est formidablement campée par un Christian Bale plus que jamais oscarisable. Usant d’un style qui a fait sa renommée avec The Big Short, McKay livre un film encore plus accompli. Ou comment rire en se sentant un poil mal à l’aise au passage. Chose de plus en plus rare au cinéma. Donc forcément, ça fait du bien !
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