Réjouissons-nous : Vice-Versa est la première production “novatrice“ de Pixar depuis 2008 (le robot nettoyeur de WALL-E) et 2009 (le vieillard misanthrope de Là-Haut). Nous avons subi entretemps un Disney déguisé (la princesse de Rebelle) et 3 séquelles (Toys 3, Cars 2, Monster 2), sans même évoquer les spin-off réalisés par Disney : Planes 1 et 2. Six années d’attente ! Qu’ont-ils donc fait de la prodigieuse créativité du studio ? Rien. Ou plutôt si, des dollars et des séquelles. Des montagnes de dollars sans risques, en produisant les “suites“ des succès passés. Triste époque.
(PS : le studio a connu depuis un regain d’inventivité avec Le Voyage d’Arlo, avant de rechuter avec le plat Dory.)
Le pitch est fascinant : entrez dans le cerveau de Riley, une adolescente du Minnesota, et observez le travail des cinq émotions primaires : Joie, Tristesse, Peur, Dégout et Colère. Vice-Versa propose deux niveaux de lecture distincts. Les enfants riront aux aventures des petits personnages colorés. Les plus grands amélioreront leur connaissance de la psyché humaine et apprécieront les désopilantes, et trop courtes, séquences dans les émotions des parents.Le résultat pourrait passer pour un épisode de C’est pas sorcier au budget colossal et à la réussite artistique stupéfiante. Car, soyons honnête, un budget illimité ne suffit pas à garantir la réussite finale. Médusés, nous assistons à une magnifique et féérique présentation des mémoires centrale, immédiate, profonde ou perdue, du train de la pensée, de la machine à rêver…
Deux réserves néanmoins :
• La première surprise passée, l’intérêt faiblit. Le sujet initial est trop ténu pour être délayé sur 93 minutes de documentaire.
• De fait, Pete Docter et Ronnie del Carmen ont scénarisé leur histoire. On frôle le docu-fiction. Depuis son arrivée à San Francisco, notre jeune fille souffre de solitude. La dépression la guette, elle fugue ! Les émotions s’affolent. La seconde moitié du film repose sur l’opposition entre deux émotions : Joie redoute l’influence de Tristesse sur Riley. Or, Tristesse et Joie sont éjectées du "PC". Nous assistons à une méritante réhabilitation du chagrin. Pleurer est utile. Pleurer libère. Pleurer réconforte. D’accord. C’est vrai, mais un peu court. Le scénario, qui tient largement sur mon ticket de cinéma, me laisse sur ma faim. J’en viens à regretter un bon et manichéen méchant à la Disney, une sorcière ricanante ou un dragon cracheur de feu.
Pourtant, c’est réjoui que je sors de la salle. Mes filles sont positivement ravies. Que du bonheur, d’autant plus que la minceur du sujet présente au moins le mérite de nous préserver de toute tentation d’exploitation future !
Que de la joie !
Revu, avec plaisir, en 2017 et 2021