Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Riley n'est plus une petite fille, et les grands changemements qui chamboulent l'existence heureuse qu'elle mène entre ses deux parents et son équipe de hockey ne sont pas tous dûs à son déménagement à San Francisco, loin de son Midwest natal.
Grandir, voilà encore une fois le thème que choisissent d'aborder les studios Pixar, avec une pertinence, un humour et une délicatesse évitant les clichés mais qui permettent à chacun de nous de se retrouver dans cette petite adolescente perdue et révoltée qui déconcerte ses parents et qui fait sourire le spectateur attendri. Que se passe-t-il donc dans la tête des préados, ces êtres fantasques et changeants, et dont l'équilibre intérieur semble être en permanence perturbé ?


C'est à cette question que répond le talentueux Vice-versa, en nous faisant pénétrer dans la tête de Riley, 11 ans : on y découvre Joie, Tristesse, Dégout, Colère et Peur, ingénieuses allégories des émotions de Riley, qui orientent en partie les actions de l'enfant depuis le Quartier Général, une salle de contrôle au design très sixties. Depuis toujours, Joie est au commandes : d'une bonne humeur contagieuse, elle coordone les autres émotions et veille sur l'harmonie du vaste monde intérieur de Riley, une enfant joyeuse et espiègle.

Depuis ce QG acidulé, les émotions ont une vue imprenable sur les « îles » qui déterminent la personnalité de Riley, représentées comme des petits parcs d'attraction : celle des bêtises, celle de la famille, celle du hockey... Cependant, leur principale tâche est de recueillir et d'archiver les plus précieux trésors de Riley, ses souvenirs, qui ne cessent d'affluer depuis sa naissance, sous la forme de grosses perles lumineuses.
L'univers mental créé par Pete Docter, le réalisateur, entre autres, de Monstres & Cie (formidable fable sur les peurs enfantines), déborde de trouvailles poétiques et drôles, qui expliquent, un peu à la manière des Métamorphoses d'Ovide, d'où viennent les rêves et les cauchemars, comment fonctionnent la pensée et l'imagination, où vont les souvenirs et où part l'enfance.
Le désordre dans la vie de Riley est l'occasion d'un voyage intérieur initiatique où les deux principales émotions, Joie et Tristesse, nous permettent de découvrir à chque étape de leur aventure un véritable festival de créations graphiques et ludiques, à l'image de la dangereuse zone de la pensée abstraite, où nos héroïnes se retrouvent aplaties en 2D, puis réduites à une simple ligne, un véritable coup de génie.
Au delà de cette captivante odyssée qui vaut bien milles leçons de psychologies, on retiendra surtout l'histoire, à la fois banale et spectaculaire, que connaissent tout ceux qui grandissent, une histoire poignante, absolue, une histoire de deuil et d'espoir où les personnalités s'affirment, s'étoffent, se complexifient et quittent la joyeuse simplicité manichéenne de l'enfance pour le doute nuancé et pleins de couleurs contrastées de l'âge adulte, l'histoire d'une flamboyante crise d'adolescence . Sous ses allures de divertissement allègre et limpide, sous la brillante texture bonbon des images, se révèle donc un vrai grand film ambitieux, émouvant et perspicace, sur la cons­truction de l'identité.


Un vrai bémol toutefois : si le dessin animé passe avec succès le test de Bechdel (ce qui n'est pas trop mal), j'ai eu beaucoup de regret à voir incarner les émotions de Riley par des individus genrés, et franchement caricaturaux. Ainsi, le dégoût, concentrée sur le style de Riley, est une jeune femme sexy et pleine de morgue en robe, la joie est elle aussi une jeune femme, simple, belle, pas maquillée (la jeune fille parfaite) et la tristesse, une petite grosse à lunette un peu moche (d'ailleurs, c'ets Mélanie Laurent qui fait la voix, c'est son registre habituel) - et évidement, les filles moches sont grosses, ont des lunettes et sont donc forcément tristes, merci de relayer dans la têtes des gosses des clichés qui ne sont pas suffisement ancrés- et la colère EST UN MEC. Et oui. Vous me direz que la peur est aussi un mec, et je vous répondrai que ça n'arrange RIEN. Voici les rôles habituels des femmes dans le cinéma : moche et grosse et triste OU sexy et un peu bitch OU la fille gentille, un peu prude mais positive et téméraire. Les garçons peuvent avoir des centaines de perso : maigres et peureux, grands et colériques (positif), mais aussi moches et intéressants, sexys et intelligents ...
Il est temps de changer les clichés sexistes dans la représentation des personnages !!
pour plus d'info, lire ce super article de Mirion : http://www.mirionmalle.com/2015/06/les-personnages-feminins-forts-bagarre.html

Créée

le 9 juil. 2015

Critique lue 256 fois

Loli Ta

Écrit par

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