À chaque fois que Pixar (ou désormais Disney) sort un film d’animation, on a le droit à la même rengaine : le roi est de retour, tout le monde au garde-à-vous, à trois criez que c’est le film du siècle, criez que vous aimez à la folie, que c’est un chef-d’oeuvre, que vous en redemandez et que c’est le meilleur film d’animation jamais réalisé.
Alors. Bon, faites-le.
Ça y est, ça va mieux ? On peut passer aux choses un peu sérieuses ?
Commençons par éliminer le dérisoire : comme pour tous les Pixar, comme tous les films, d’animation ou pas, voir Vice-versa n’est pas le signe de l’infantilisation de notre société. Seuls des gros mots peuvent qualifier les personnes qui pensent des choses pareilles et ce n’est carrément pas notre genre d’employer de tels mots.
Comme d’habitude avec Pixar, nous avons droit à un monde fabuleux, où la simplicité côtoie avec bonheur le génie de l’originalité. C’est bien la marque des grands que de présenter de manière claire des concepts loufoques, abstraits, voire abscons, du moins complexes, riches.
Encore une fois bravo à Pixar, c’est une excellente idée que de représenter les émotions et le centre de commandement du cerveau humain, les interactions et tout ce que ça engendre. C’est joli, ingénieux, mignon, légèrement grotesque mais jamais lourd, drôle, en tous cas amusant.
C’est du Pixar. Bref, c’est un travail de grande qualité qui plaira de manière élaborée aux plus jeunes tout en parlant aux adultes dans une langue qu’ils aiment (enfin, sauf s’ils bossent au Figaro, mais c’est une autre histoire).
Allons plus loin : Pixar a tellement bien fait son boulot que chaque situation de la vie « réelle », remixée et interprétée via le centre de commandement, ces cinq petites bestioles représentant chacune une émotion, qui opèrent grâce aux souvenirs, aux souvenirs majeurs, aux îles de la personnalité, chaque situation est une réjouissance, l’occasion de faire briller les esprits créatifs à l’origine des trouvailles, un moyen de rire et de s’esclaffer de cette douce folie qui habite ce film.
Mais là où le bat blesse, c’est au niveau de l’histoire. Pas tellement celle des humains, conditionnée par les agissements des émotions et qui donne à voir à chaque fois les débats et les crises qui se déroulent sous nos crânes, mais justement celle des émotions en tant que personnages, Joie et Tristesse, perdues dans un univers qu’elles ne connaissent pas.
Si leur aventure est l’occasion de découvrir plus en profondeur le monde des souvenirs et la construction merveilleuse sur laquelle Pixar a assis sa dernière vision, elle est aussi malheureusement la cause de l’ennui qui étreint le spectateur en l’empêchant de jubiler.
Classique, poussive, un poil pénible (personnages sympas mais limités, tout juste sauvés par la cohérence de l’univers, situations agaçantes parce qu’illogiques…).
Du coup, comme cette aventure dans l’aventure représente une part importante du long métrage, on est forcé de se la coltiner jusqu’au bout. L’aventure de Joie et Tristesse dans la tête de Sidney n’est intéressante que dans la mesure où leurs agissements ont des conséquences pour l’adolescente. Malheureusement, on finit par perdre le fil rouge. Que risque Sidney ? De mourir à l’intérieur ? Comment se fait-il que les émotions ne comprennent que tard le sens de leur rôle véritable ?
Néanmoins, l’ensemble se tient et, rien que pour ce petit plongeon dans l’idée folle de la représentation des émotions comme un état-major, Vice-versa mérite un visionnage (pas nécessairement en 3D, pas inévitablement non plus au cinéma).