Vice-versa 2
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Vice-versa 2

Long-métrage d'animation de Kelsey Mann (2024)

Il y a près de dix ans (déjà) nous découvrions la dernière folle idée des Studios Pixar : dans la tête de chacun d’entre nous, des émotions « élémentaires », au nombre de quatre (la joie, la tristesse, la peur, le dégoût et la colère) se disputaient les commandes de notre cerveau et donc de nos comportements. La leçon était simple derrière le concept malin : c’était en composant avec ces quatre sentiments de base, chacun représenté par une couleur, que nous pouvions fonctionner. Malheureusement, l’esthétique du film était laide, et la traversée du monde virtuel du stockage de nos souvenirs, et des îles représentant nos… « valeurs », ou quelque chose dans le genre, était trop fastidieuse pour que Inside Out (traduit en dépit du bon sens par Vice Versa en France) rejoigne la liste des réussites indiscutables du génial studio d’animation.

L’intérêt de donner une suite à ce Pixar moyen n’avait rien d’une évidence, mais depuis la prise de contrôle par le méchant studio aux grandes oreilles, on est malheureusement habitué à des productions Pixar à la qualité beaucoup plus variables que lors de l’âge d’or. Au départ de cet Inside Out 2, il y a indiscutablement une bonne idée : avec l’entrée de l’héroïne du premier film dans l’adolescence (Riley a 13 ans…), quatre nouveaux sentiments s’invitent dans sa tête (l’anxiété, l'embarras, l’envie et l’ennui…), au point de reléguer les occupants précédents au second plan, ce que ces derniers n’acceptent évidemment pas. Et les voilà partis en expédition pour tenter de sauver la « vraie personnalité » de Riley.

Le problème vient plutôt de l’exécution de cette bonne idée, puisqu’on n’assiste pas vraiment à un renouvellement du concept, juste à une répétition finalement assez paresseuse. A nouveau, on s’ennuie presque durant les pérégrinations assez peu logiques – ce qui est indigne d’un grand Pixar – de Joie, Peur, Colère et Tristesse dans le monde symbolique des souvenirs et des valeurs de Riley, pour déboucher sur une conclusion pas si différente de celle du premier film, mais quand même pertinente quand on l’applique aux troubles de l’adolescence : il est illusoire de penser que l’on n’a qu’une seule personnalité, entière et cohérente, la réalité est que l’on oscille de manière quasi schizophrénique entre des personnalités différentes, voire opposées. Pas si bête…

… Et comme la fameuse maîtrise des Studios Pixar en termes de gestion de l’émotion reste imbattable, il est impossible de garder les yeux secs dans la dernière partie du film, ce qui nous rassurera quand même in fine sur le futur de Pixar. Il reste néanmoins que le film est très laid, qu’il est excessivement « états-unien » avec son sujet central d’acceptation de Riley dans une équipe de hockey sur glace – qui laissera froide une grande partie du reste de la planète – et, ce qui est pire, que la gestion des nouveaux personnages est largement ratée. En concentrant le film sur le comportement troublé – et peu évolutif – d’Anxiété (Maya Hawke, pas vraiment convaincante), et en n’exploitant pas les concepts potentiellement amusants d’Envie et surtout et surtout d'Ennui - avec cette idée géniale de prendre un personnage "français" (et une actrice française, Adèle Exarchopoulos) pour illustrer l'arrogance du "spleen" -, Kelsey Mann – un second couteau, jusque là, chez Pixar – et sa co-scénariste Meg LeFauve privent leur film d’une variété de tons qui l’aurait rendu plus vif, plus amusant.

Bref, Inside Out 2 n’est pas un mauvais film, c’est juste une déception par rapport à ce qu’on attend d’un nouveau Pixar. En n’allant pas explorer de nouveaux horizons, en jouant sur un terrain aussi balisé, et en respectant assez sagement les règles du jeu établies par le film de Peter Docter, Inside Out 2 ronronne gentiment. Et alimente à nouveau notre inquiétude quant à la capacité des Studios Pixar à retrouver un jour leur grandeur passée.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/06/20/vice-versa-2-de-kelsey-mann-pixar-ronronne/

EricDebarnot
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le 20 juin 2024

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Eric BBYoda

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