Victoria émerge d’une lumière bleutée fluo sur fond de musique électro, Victoria se déhanche et agite les bras au milieu d’inconnus unies par la frénésie partagée d’un rythme minimaliste, Victoria s’accroche les cheveux et laisse deux mèches lui encadrer négligemment le visage, Victoria irradie de simplicité dans la lumière saccadée de ce dancefloor bondé de cette discothèque étriquée, Victoria danse, Victoria se lâche, Victoria vie, puis Victoria quitte cette pièce illuminée pour le bar assombri et se retrouve seule, seule au milieu d’inconnus, seule séparée par la barrière de la langue, seule à essayer d’entamer des discussions qui se terminent sans avoir jamais commencées, et on aimerait être avec elle et on aimerait danser avec elle et on aimerait même lui payer des shooters de vodka à 4€, au lieu de ça, Victoria rencontre quatre jeunes qui se font refuser l’entrée quand elle cherche la sortie, et ils ont bu, beaucoup, surement trop et entament la discussions, Solle, Boxer, Fuss, et Blinker, puisque c’est leurs noms, parlent, rient, crient, courent, sautent, dansent et racontent des histoires qui tiennent moins la route que la démarche enivrée de Fuss, et ils s’entendent, et ils l’invitent à les suivre dans la nuit Berlinoise, Victoria hésite puis Victoria accepte, Victoria est arrivée de Madrid il y a 3 mois, Victoria ne connaît personne et les quatre gaillards sont drôles, sympathiques et intrigants, et on ne les quitte jamais, on les suit pendant plus de 2H, sans aucune interruption, on va épier toutes leurs paroles, tous leur mouvements, toutes leurs prises de décisions altérées par l’alcool et la fatigue et le poids de la vie, ils vont se promener dans les rues et faire du vélo et s’arrêter dans un magasin et dans un café et sur un toit où ils vont boire, fumer, parler, rire, s’attacher avant de se faire rattraper par un passé qui va les précipiter vers un futur qu’ils n’auraient jamais imaginé, et on va expérimenter tous les moments qui vont les y conduire, des plus importants au plus insignifiants, certains sont peut-être un peu trop long, où paraître en trop, mais se sont bien souvent les plus insignifiants qui donnent tout son sens à leur histoire, qui lui forgent son caractère unique, parfois poétique, qui expliquent les choix de Victoria et de Solle et de Boxer et de Blinker et de Fuss, qui rendent totalement crédible la soirée complètement incroyable de Victoria, qui font du film de Sebastian Schipper une expérience à part entière, une expérience qui a des choses à montrer, l’histoire de Victoria en dit beaucoup sur la poursuite de l’excellence imposée au enfants de certains milieux qui les empêche de vivre réellement et de se faire de vrais amis car tous les gens qu’ils fréquentent ne sont que de adversaires sur le chemin de la réussite et qui explique sa volonté d’expérimenter l’instant présent et de rester avec les seules personnes qui sont aller vers elles et qui ont été sympathiques avec elle et avec qui quelque chose se créer, et l’histoire de Victoria en dit aussi beaucoup sur la magnifique société allemande et ses petits salariées à 4€ de l’heure, et sa capitale à l'incroyable succès économique où les gens qui y ont toujours habités ne sont plus vraiment les gens qu’elle voudrait abriter, et l’histoire de Victoria en dit aussi beaucoup sur une société où il est difficile de rencontrer des gens et où il est encore plus difficile de créer des liens quand on n’y connais absolument personne, mais à la fin, une question se pose quand même, et elle ne concerne pas l’utilité de l’unique plan séquence, car s’il n’est certainement pas parfait, et qu’il est loin d’être le meilleur plan séquence de l’histoire du cinéma et qu’il offre même son beau petit lot de défauts, et qu’il construit un rythme duquel on peut facilement décrocher, accélérant et ralentissant au grès de la soirée de nos 5 héros, il retranscrit à merveille l’engrenage d’une nuit banale qui va changer la vie de Victoria, et il raconte parfaitement ce qu’il a à raconter et il donne surtout l’impression de participer à quelque chose, non, à la fin si une question se pose vraiment, c’est celle-ci, mais qui va en boite tout seul ?

Clode
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le 2 juil. 2015

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