Vidéodrome (1983) est une œuvre avant-gardiste illustrant des dangers de la modernité sur le psychisme humain. Le progrès s'incarne ici par l’essor, et l'emprise, de la télévision sur l’Être à travers le pouvoir de l’image. Il s'agit implicitement de l'optique comme menace directe à la souveraineté de la Pensée. La phrase du professeur O'Blivion « The television screen has become the retina of the mind's eye » et le slogan de la Spectacular Optical « Keeping an eye on the world » renvoient lumineusement à ce thème de l’œil comme miroir de l'esprit. Cette citation de De Vinci - « The eye is the miror of the soul » - et le tableau de Michel-Ange La Création de l'Homme, utilisés comme décor pour le lancement de la collection de lunettes de la Spectacular Optical en sont des exemples flagrants, parmi d'autres. Cette analyse ex ante pour dire en somme que le travail à la fois mental et visuel de Cronenberg dans son oeuvre fantastique est absolument remarquable en se concentrant sur le Pouvoir en amont et sur la Compréhension en aval.


David Cronenberg étend ainsi l'influence de l'écran sur le subconscient : les pulsions sexuelles, la violence et l'imaginaire de Max Penn, patron d'une petite chaîne de télévision racoleuse, ne sont plus uniquement gardés dans son esprit mais semblent directement accessibles et représentés intelligiblement par le programme Vidéodrome - comme si le tube cathodique était un prolongement naturel de son cerveau, une tumeur permettant de raccourcir la vision de ses fantasmes et hallucinations. La dégénérescence de l'esprit de Max se matérialise, comme souvent chez Cronenberg, sur son physique : son ventre ingurgite des cassettes vidéo, sa main ne forme plus qu’un gros amas de chair avec le pistolet. Le corps se déforme aussi atrocement que l'esprit. Max poursuit son enquête et souhaite en savoir plus sur les créateurs du programme Vidéodrome, mais l'investigation se révèle être une fuite inextricable entre la réalité et l'imaginaire, ne faisant qu'accentuer son altération spirituelle et physique.


Dans une atmosphère de fascination glauque mêlant horreur et récit contre-initiatique, David Cronenberg repousse le champ de la perception des choses à l'extrême. A l'heure des publicités ciblées à outrance, des vidéos d'embrigadement sur internet et de la sexualité démocratisée, le canadien rend une oeuvre riche de sens, ensorcelante et visionnaire.



La force des industries de programmes tient à ce qu’elles ont une
politique de la perception : elles mènent une guerre esthétique, qui engendre une immense misère symbolique (...) et ce, d’abord par les sens et par les affects qui s’y forment, mais qui déforment ceux qu’ils affectent, parce qu’ils les désaffectent. - Bernand Stiegler, La Télécratie contre la démocratie.


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le 5 janv. 2016

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Palatina

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