Je ne sais pas pourquoi ça m'a marqué, en tout cas suffisamment pour que je m'en souvienne encore aujourd'hui, mais à la sortie du film, quand je n'avais que 9 ans, j'avais lu dans un journal que Vidocq était un gâchis d'effets spéciaux. J'avais pris ça vraiment au pied de la lettre, car dans mon esprit, c'est comme s'il n'y avait qu'une certaine quantité d'effets spéciaux dans le monde, et que ce film en avait gâché. J'avais trouvé ça triste.
Mais en relisant par curiosité des critiques de l'époque, la plupart sont loin de donner une idée adéquate de ce Vidocq :
"Scénario bétonné (signé Grangé, autrement plus inspiré sur cette fin que pour celle de ses Rivières pourpres), décors chiadés, accessoires fascinants, comédiens emballés et emballants..." – Première.
"Une vraie réussite esthétique" – Le nouvel observateur.
"Pitof opte ainsi pour un parti pris visuel où l’on sait par avance qu’il va s’en donner à cœur joie. Les décors sont spectaculaires et la lumière totalement irréelle nous plonge dans un univers onirique complètement hors du temps." ; "un formidable kaléidoscope d’images percutantes et rythmées pour le plus grand plaisir des mirettes." – Cinopsis.com
(vous pouvez jouer à un jeu avec vos amis : leur lire ces critiques, et leur faire deviner de quel film il s’agit, ils ne risquent pas de trouver)
Si à la sortie, ça a pu sembler novateur, heureusement, aujourd’hui, Vidocq est considéré comme l’un des pires films français, ou du moins, le plus moche.
Récemment, un membre de SensCritique a eu la bonne idée de partager une interview du réalisateur, Pitof, et ça m’a donné le déclic. Comment ça se fait que je n’aie pas encore vu cette horreur, moi qui adore ce genre de choses ?
Dès les premiers plans, Vidocq fait sacrément mal. Les cadrages, le montage, l’étalo, tout pique les yeux. Et à partir de là, ça ne s’arrête jamais. On n’a pas le temps de respirer, chaque plan est l’illustration d’un type différent de laideur. Je préfère ne pas répertorier tous ces crimes esthétiques, ça serait vain, car Vidocq prouve qu’il en existe une très grande variété, et chacune fait l’effet d’un coup de poing sur le crâne. On est vite étourdi, mais à force, c’est comme pour tout, on s’y habitue…
Vous pouvez prendre une capture d’écran à n’importe quel moment, ça sera plus moche que n’importe quel autre film.
Une chose qui revient souvent, c’est les très gros plans en courte focale sous les narines d’un personnage. Une bonne astuce pour rendre affreuse n’importe quelle personne filmée.
Mais comme l’explique Pitof, " Je voulais ça avec Vidocq : plonger le public au plus près des acteurs".
L’esthétique de Vidocq, c’est son principal attrait, mais il ne faudrait pas oublier tous ses autres défauts. Dussolier cabotine, Guillaume Canet joue terriblement mal et ressemble à un leprechaun avec sa veste bouffante vert pomme (qu’il s’infiltre discrètement en tout lieu, on n’y croit pas trop), et Depardieu… joue correctement. Ce qui est du gâchis dans un film pareil.
Il y a une scène extraordinaire où le monstre (qui demeure sans nom, c’est dommage, j’avais besoin de me rattacher à lui rien que par un nom, que j’aurais pu ressortir dans les conversations, du genre "ah ouais, pfou, Machin, meilleur méchant dans un film depuis Bulk") est face à ses trois victimes, et chacun des acteurs a sa propre manière de surjouer : il y en a un qui reste figé en faisant les gros yeux, un autre qui secoue frénétiquement la tête, sans qu’on comprenne s’il est effrayé ou quoi.
Et il y a autre chose dont on oublie souvent de parler, un défaut qui s’efface devant celui bien plus flagrant de l’esthétique à vomir, c’est le scénario, dépourvu de logique, et qui s’achève de façon lobotomique. Le journal Le Monde a su trouver les bons mots : "Le dénouement du film est un défi à l'intelligence."
Les répliques sont pas aussi fun, mais il y en a quand même deux marquantes : "J’vais te repasser la gueule, moi", puis suite à un accès de violence "pardon, ça doit être le rosé".
Il faut quand même reconnaître à Vidocq que c’est un film divertissant, il n’y a pas le temps de s’ennuyer, on est trop occupé à gémir devant tant d’horreur.
C’est une œuvre tellement unique qu’elle en est captivante, de la même façon que l’est The room. Ca m’a donné envie de me renseigner davantage sur le film, ses coulisses, sur son impact, sur ce qui se dit dessus depuis sa sortie, etc. J’ai presque envie de m’acheter le blu-ray 3D allemand aussi. Presque.
En tout cas j’ai très envie de voir Catwoman maintenant.