Viens je t'emmène d'Alain Guiraudie, c'est du vent dans les voiles du cinéma français avec un propos peu politiquement correct, voire ambigu (sur le sujet des femmes battues, par exemple) et qui a le mérite de trancher avec le côté convenu d'une grande partie des films hexagonaux. Davantage que dans ses œuvres précédentes, le réalisateur choisit comme point de départ un événement dramatique dans "l'air du temps", soit un attentat commis à Clermont-Ferrand, qui lui permet de se livrer à une radiographie lucide du traitement de l'information (au même titre que France de Dumont) mais aussi du ressenti du vulgum pecus, des anonymes sans qualités ni intelligence particulières. Mais, on le sait, le réalisme n'est pas la came favorite de Guiraudie qui s'empresse de traiter concomitamment des intrigues plus ou moins loufoques autour d'un chômeur amoureux d'une prostituée quinquagénaire, des voisins du premier nommé et d'un SDF d'origine maghrébine (entre autres). Le libertaire qu'est le cinéaste ne lésine pas sur les scènes crues et introduit des personnages dont il est difficile de cerner la personnalité, à moins de les prendre tous pour des fous. Faire une comédie incluant des thèmes comme le terrorisme, la prostitution, la violence domestique, la xénophobie, on en passe et des meilleurs, n'est évidemment pas à la portée de n'importe quel réalisateur venu et forcément clivant pour ses spectateurs (lire à la suite les critiques de Libé et du Figaro, avec les forts partis pris de chacune, est éclairant). Au milieu de ce capharnaüm, étonnant fluide quand même, et malheureusement faible dans sa conclusion, Noémie Lvovsky est impériale, bien que ne tirant pas la couverture à elle (elle a même tendance à la rejeter en se prêtant à des scènes de nu aux proportions felliniennes).