Homme ? Femme ? Lesbienne ? Gay ? Transsexuel(le) ?
Telle est la question que pose la jeune Jonida à son "oncle Mark".
La tradition des vierges jurées est ancrée dans les Balkans depuis le début de l'ère moderne soit le 15e siècle. Ces femmes devenues hommes (ou presque) permettaient aux familles d'avoir des bras supplémentaires pour tuer et tacitement se faire tuer également.
Les femmes n'ayant pas le droit de tenir un fusil, il n'était pas autorisé de les tuer non plus. En 2015, il reste en Albanie quelques centaines de ces vierges sous serment, de ces femmes hommes. Ces femmes sont elles pour autant l'égal des hommes ? Non, bien sûr. Elles sont seules à supporter à la fois les tâches masculines ET féminines sans possibilité de partager leur quotidien avec quiconque ni avoir une descendance.
Elles acquièrent certaines prérogatives telles que l'héritage, le droit d'avoir une opinion, de diriger une entreprise... mais elles restent inférieures aux autres hommes.
Laura Bispuri s'intéresse dans son long métrage adapté librement du roman éponyme de Elvira Dones, à une jeune orpheline recueillie par son oncle et qui au départ de la fille devient son fils.
Hana refuse un mariage forcé, veut .vivre libre, ne comprend pas ces interdictions "stupides" qui frappent les personnes de son sexe. Car il s'agit pour elle de conquérir une liberté à laquelle elle n'a pas droit plutôt que d'un vrai choix. Elle refuse les commandements récités par celle qui lui sert de mère :
"Une femme ne peut pas choisir, ne doit pas parler avant un homme, ne doit jamais le contredire"...
La faiblesse de ce film, à mes yeux, c'est qu'à force de s'attarder sur les corps, les conséquences de ce "choix" sur l'apparence, l'attitude, il en oublie de s'intéresser au ressenti des personnages, à ce que subit leur psyché suite à ce rejet de leur féminité.
Le désir est très présent dans ce qu'il a de plus charnel mais le film aurait gagné en interrogeant plus cet aspect selon moi primordial. Le carcan que ces femmes s'imposent pour masquer leurs attributs féminins, leur seins monstrueusement écrasés, leurs formes annihilées pour ne pas trahir leur condition n'est qu'un aspect visible de l'iceberg. En s'intéressant trop au corps, en les filmant magnifiquement qu'ils soient féminins ou masculins gros ou maigre, nu ou vêtu, il en oublie qu'il renferme un être plein d'émotions.
Là où je l'ai trouvé extrêmement pertinent et subtil c'est dans les conclusions que la cinéaste impose presque inconsciemment au spectateur. Oui, la vie des femmes est pourrie là bas. Oui, elles sont traitées comme moins que rien, comme simple objet de plaisir et vecteur de reproduction. Elles sont la propriété de l'homme, que ce soit leur père d'abord puis de leur mari ensuite. Mais quand Lila, la "soeur" de hana/Mark décide de s'enfuir pour s'unir à l'homme qu'elle aime, elle quitte son monde, sa famille et leur tradition pour aller dans un pays libre, ouvert aux droits des femmes, moderne. Seulement, quand Mark/Hana décide à son tour de s'émanciper, de courir le risque d'être assassinée pour rupture de serment, elles se rendent comptent que même dans un pays libre tel que l'Italie, elles ne seront jamais l'égale d'un homme. La distance culturelle entre ses femmes qui d'un côté sont hyperféminisées, courent en talons hauts en se prenant pour des dindes et les autres qui n'ont pas droit à la parole. Mais qu'en est-il de la distance humaine ?
Merci de m'avoir accueillie lorsque je n'étais rien
Tu sais, je ne suis pas grand chose non plus.
Ainsi l'intelligence du film est de montrer à travers ces destins particulier et les flashbacks qui le composent que l'Albanie et les Balkans en général ne sont pas si figés et qu'un souffle de modernité, même s'il est relatif, a atteint ces magnifiques montagnes mais que même ailleurs la condition féminine est un combat à ne pas abandonner car loin d'être encore gagné.
Vierges sous serment n'est pas un film qui s'offre facilement au spectateur mais qui se conquiert.