Des films cons, j'en ai vu pas mal. Mais jusque là il s'agissait en majorité d'oeuvres anecdotiques qui ne feraient pas de mal à une mouche (les pires films de Michael Bay, les derniers Resident Evil, les Onteniente, pour ne citer que les exemples qui me viennent immédiatement à l'esprit). Plus rarement, il arrive qu'on croise des films qui ne se contentent pas d'étaler leur stupidité mais qui se laissent également aller dans le développement d'un propos particulièrement nauséabond et tendancieux, accentué par l'absence de tout second degré.
Pour tout dire je ne m'attendais absolument pas à devoir ranger Vigilante de William Lustig dans cette catégorie. Précédé d'une jolie réputation chez les amateurs de séries B vintages, jouissant d'une moyenne plutôt (très) flatteuse ici même, il s'agit du deuxième long-métrage de ce réalisateur aujourd'hui culte dont la filmographie, quoi qu'on en dise, ne fait pas franchement rêver. Et dans un sens je comprends l'attrait que les gens peuvent éprouver pour ce film. Les affiches sont cool, la bande son est très cool, le casting accumule les gueules burinées, et il flotte comme un parfum de drive-in ou de grindhouse sur l'ensemble, promettant un délire bien fun et décomplexé comme les 80s savaient nous en faire offrande.
Las, il ne faut que quelques minutes pour comprendre que Vigilante n'a pas grand chose dans la caboche. Idéologiquement, tout ce que le film propose, c'est une adaptation live en 90 minutes du JT de Jean-Pierre Pernault, un gloubi-boulga cinématographique croisant les élucubrations paranoïaques des médias conservateurs (type Fox News) et les idées rances des partis d'extrême-droite. Vigilante n'est en aucun cas une démonstration de l'échec du système judiciaire américain. Le scénario écrit par un certain Richard Vetere (qui a mis 11 ans à retrouver du boulot après ce film, c'est dire) ne fait que mettre en scène de façon honteusement caricaturale tous les pires clichés sur les dysfonctionnements de la justice. Des dysfonctionnements bien réels et encore d'actualité certes, mais empilés ici comme des poncifs, ils font perdre toute crédibilité au film. Vigilante place ainsi, sans prendre la moindre distance avec les actes de ses personnages, l'autodéfense comme seul recours légitime face à la racaille qui pullule à tous les coins de rue, avec des arguments dignes des pires cas sociaux adhérents à la NRA.
Ainsi, l'histoire nous présente une famille modèle parfaitement heureuse (oula j'ai un haut-le-coeur), qui se promène au parc, bercée par le soleil du dimanche et les battements d'ailes des papillons qui batifolent entre les brins d'herbe (un instant, je sors mon sac à vomi). Pendant que Papa et Maman se font des mamours sans la langue, l'innocent Junior s'amuse et s'épanouit en jouant avec sa maquette d'avion (il va me falloir deux sacs). Jusqu'au jour où notre belle famille © croise la route d'impitoyables racailles de pacotille.
Ces racailles, parlons-en... Déjà, il y a ces dégaines parfaitement ridicules. Pas un seul ne fait exception, tous sont égaux en rations de gilets en jean et de bandanas en cuir. Ensuite, ils sont tous méchants par nature (parce que), adeptes de violence gratuite (parce que), tuent des gosses de sang froid au fusil au pompe (parce que), vident 80 chargeurs de mitrailleuses sur une voiture de flics (parce que), et ils n'ont pas de vie en dehors de leurs exactions (comme tous les gros méchants, parce que les méchants n'ont pas de coeur). Enfin, pompon sur la cerise, ils sont évidemment tous issus de minorités. Mais ça passe, parce qu'au milieu et sans qu'on sache vraiment pourquoi tellement elle fait figurante, il y a une racaille blonde. Brushing parfait, maquillage impec, tire à la Gatling sur une voiture de flics. Vous comprenez pas ? Moi non plus. Et je pense que beaucoup de monde sur le plateau a dû se poser la question.
Par dessus le marché, Vigilante ne se contente pas d'être une ignoble purge intellectuelle, c'est également un foirage artistique de premier ordre. Mollassonne, insipide, la mise en scène de Lustig ne fait jamais vibrer la corde sensible, ne crée jamais l'étincelle qui nous ferait éprouver quelque chose pour les pantins qui se déplacent à l'écran. Les courses poursuites à pied, poussives au possible, confinent presque autant au loufoque que les scènes de combat. Les acteurs ayant visiblement très peur de se faire mal, chaque coup sonne faux, et les velléités d'ultra-violence en prennent un coup, elles. Il faut dire que le casting, pourtant pas dégueu a priori, ne donne pas satisfaction. Robert Forster, dont certains pensent qu'il joue la retenue, est en fait aussi inexpressif qu'un gant de toilette en dépression, tandis que les grimaces de Fred Williamson en font un candidat tout désigné pour une reconversion dans les spectacles de clowns. Et je passe sur toutes ces scènes censées incarner les temps forts du film mais qui tombent vulgairement à plat, la faute à un manque de bonnes punchlines et à une réalisation risible dès qu'elle essaie de se donner un genre spectaculaire. Mention particulière pour le "jeté" du grand méchant, avec le drapeau américain qui flotte au-dessus du héros. Des barres de rire. Et si la poursuite en voiture finale a son petit charme, c'est uniquement grâce aux bagnoles elles-mêmes.
Mais alors, bon sang, pourquoi est-ce que j'accorde 2 points à cette crétinerie rétrograde absolument puante qui me donne envie de creuser un deuxième trou dans la face du Blu-Ray ? Eh bien parce que les thèmes musicaux de Jay Chattaway sont tout bonnement excellents, et donnent de sérieux regrets : quand on y pense, on n'est pas passé loin du chef d'oeuvre, il suffisait juste d'enlever l'image et les dialogues.