Plongé dans la pénombre et confortablement vautré, je m'apprête à faire tourner la bobine de "Violette Nozière" quand soudainement, un imposant et enivrant parfum de patchouli envahit mon salon et me viole les naseaux. Puis de denses volutes de fumée apparaissent devant moi et à travers lesquelles je distingue une silhouette qui prend forme progressivement.
- "Sans déconner !...C'est toi, Dieu ?!" m'héberlu-je.
- "Presque mon con ! Tu me remets ?"
- "Et comment, Tonton Chab' ! Ca fait un bail comme dirait Nathalie !"
- "Ingrat ! Tu m'as vite oublié dis-donc. J'aurai pu crever, c'était pareil. Que me vaut ton mépris ?"
- "Bah...y a eu la coupe du monde, les vacances et puis...j'ai fait d'autres rencontres."
- "Comme "Godzilla" ! Tu crois que j'ignore toutes les saloperies que tu t'es tapé récemment comme "Lucy" ou "Annabelle" ?! Mais je vois que tu te ressaisis avec ma Violette, tu me rassures."
- "Mouais mais j'ai pas fait que marcher dans la merde, j'ai aussi côtoyé du bonheur, Tonton. C'est quoi ce parfum là ?"
- "Ca mon con, c'est mon électropipe, parfum patchouli."
- " 'tain c'est coriace comme senteur, ça sent comme le livret de l'album "Like A Prayer" de Madonna !"
- "Pitète mais le patchouli est ancéstralement recommandé pour lutter contre les troubles intestinaux et puis ça dissimule ses effets actifs si tu vois j'veux dire..."
- Hé tonton..." dis-je en clignant d'un oeil, "tu veux dire par là que tu te la pètes ?"
Face à son silence plombé d'un dédain malsain, je lance le film...
Ce Chabrol cuvée 1978 arpente un Paris le cul coincé entre les deux guerres, un Paris qui suinte la misère économique et humaine alors que la fureur s'empare de l'Allemagne. La génération née pendant la Grande Boucherie a faim de distraction et est désireuse de s'émanciper de la tutelle moralisatrice et envahissante de leurs darrons.
Donzelle de 18 ans, Violette Nozière (Isabelle Huppert) partage un étouffant deux-pièces miteux à deux pas de la gare de Lyon entre Baptiste, son cheminot de père (Jean Carmet) et sa mère Germaine, acariâtre et frigide (Stéphane Audran). Une telle promiscuité étrangle toute intimité.
Violette paraît plus que son âge et compte parmi sa ribambelle d'amants, Pierre (Fabrice Lucchini alors rouquin !), étudiant en médecine.
Être une bonne mère et une bonne épouse, voilà le seul avenir que la société réserve aux jeunes filles comme Violette qui pour financer ses phantasmes de bourgeoisie (restos, bars, hôtels, fringues...), se mue en pute free-lance et mythomane. Violette a honte de ses parents et les manipule en imaginant une relation amicale flatteuse, au-dessus de tout soupçon, pour justifier ses absences. Naïve jusqu'à la moelle, elle s'embarque dans une idylle à sens unique avec Jean, un gigolo perpétuellement endetté et manipulateur pour qui Violette multiplie passes et vols.
Diagnostiquée syphilitique, la môme convainc son toubib à rédiger un faux certificat de virginité. Ainsi elle rend ses parents responsables de sa chtouille et les persuade de prendre un traitement prétendument prescrit par le doc et prétexte à les empoisonner puis s'emparer de leurs économies.
Lors de son procès Violette Nozière dénonce les agissements incestueux perpétrés par son père et pour la première fois lève le voile de cet immonde tabou. Écrivains, poètes et peintres de l'époque clament publiquement sa défense : le parricide tonne !
Même s'il ne croit pas à la version de Violette Nozière, Claude Chabrol s'évertue à brouiller les actes, insinuant confusion et incertitude sur les faits notamment avec les accusations portant sur le comportement incestueux du père qu'ii effleure tout juste de sa pelloche.
Souffrant d'un budget modeste, "Violette Nozière" est loin d'une grande fresque historique et se concentre uniquement sur le fait divers. La qualité d'image digne d'un téléfilm FR3 procure l' impression de mater une VHS mais elle est aussitôt balayée par une distribution clinquante auréolée de 2 César attribués à Mesdames Huppert & Audran.
Mon humble cycle consacré à Chabrol : http://www.senscritique.com/liste/Tonton_Claude/395073