En revenant sur ce célèbre fait divers des années 30, Chabrol décrit avec acuité cette période spécifique du XXème siècle : après l'euphorie de la victoire de 1918 et les années folles qui ont suivi, la France semble pressentir inconsciemment l'imminence d'une nouvelle période sombre, et la morale bien-pensante et petite-bourgeoise s'est emparée du peuple français, y compris des familles modestes.
En effet, les Nozière sont issus des classes laborieuses, avec un père mécanicien à la SNCF et une mère au foyer qui tente d'oublier ses propres turpitudes en enserrant sa fille dans un corset de bonnes manières et de vertus hypocrites. Ils n'ont pourtant rien de bourgeois, ces petites gens qui s'entassent dans un minuscule appartement, où la promiscuité achève de perturber le fragile équilibre mental de la jeune Violette, qui ne rêve que de grandeur et de liberté dans ce monde étriqué.
Alors elle s'évade, la nuit, au nez et à la barbe de ces parents si crédules : bars, hôtels, toilettes, bijoux, Violette s'enivre du peu que l'existence daigne lui offrir, au point d'ailleurs d'attraper la syphilis ; celle qui souffre paradoxalement de frigidité veut aimer, et finit par s'enticher d'un gigolo manipulateur, pour lequel elle est prête à tout. Littéralement...
Cette affaire est passionnante, et on comprend que Chabrol le pourfendeur de la morale petite-bourgeoise s'y soit intéressé. Le cinéaste français a parfaitement appréhendé et restitué ce faits divers, dans toute sa complexité : ainsi la récupération "politique" du procès par certains intellectuels et artistes (les surréalistes), qui virent en Violette Nozière un symbole de la révolte face à l'étouffement de la cellule familiale.
En dépit de sa subtile analyse des ressorts psychologiques, Chabrol choisit de laisser un certain nombre de points dans l'incertitude, à l'image des abus sexuels réels ou supposés de ce père parfois trop compréhensif pour être honnête.
D'ailleurs l'enquête judiciaire n'a jamais permis de trancher certains éléments.
Pour ma part, je reprocherais simplement au réalisateur un montage parfois hasardeux et approximatif, à l'instar de la séquence de l'empoisonnement, qu'il décide de montrer en flashback, sans que cette option ne semble apporter grand chose au récit.
Dans la version que j'ai vu, la prise de son était également aléatoire, au point que certains dialogues échappent à la compréhension.
Néanmoins, "Violette Nozière" reste un film éminemment intéressant, porté par une distribution magistrale, à commencer par Isabelle Huppert, que je me mets à apprécier de plus en plus à mesure que je découvre certains films, qui incarne parfaitement ce personnage de femme-enfant, détestable et fragile à la fois.
Autour d'Huppert et du formidable duo Stéphane Audran - Jean Carmet, Chabrol réunit des seconds rôles hétérogènes mais convaincants, tels que Jean-François Garreaud, Bernadette Lafont, Fabrice Luchini ou encore un certain Jean-Pierre Coffe!