Quel joli documentaire, comme un road-trip photographique où la destination serait la rencontre, l'humain. Le regarder quelques jours après la mort d'Agnès Varda lui donnait une autre saveur. Le film est plein de douceur, de poésie, d'images instantanées, de pudeur, beaucoup de pudeur. Pudeur des deux réalisateurs, Agnès Varda, et JR, protégé par ses lunettes noires et son chapeau, et pudeur des personnes qu'ils rencontrent, par hasard ou pas, dont ils vont capturer le regard, le temps d'un passage dans le camion nomade et photographique de JR, et qu'ils vont ensuite coller sur des murs dans les villages, sur une plage, dans un port.
Chaque rencontre est touchante, unique, humaine. Une rue où se trouvent les maisons de corons, menacées de destruction et dont une seule est encore habitée par une femme. Nous voilà plongés, le temps de quelques plans, dans l'histoire des mineurs qui s'abîmaient le corps dans les terrils. Le portrait de plusieurs mineurs est affiché sur le mur de ces maisons abandonnées, qui reprennent vie et retrouvent leur âme grâce aux photos d'Agnès Varda et de JR. Et le portrait de cette dernière habitante de la rue, affiché sur sa maison, en guise de résistance. Puis dans le sud, le facteur d'un petit village qui a un vrai lien avec les habitants, comme un repère dans le village. Un facteur comme il en existe plus ou presque, comme si le temps s'était arrêté. Et cet artiste marginal, au visage buriné, marqué, qui vit dans une cabane née de sa créativité, de son imaginaire. Sa photo est magnifique, le relief du mur ajoutant un grain particulier à ce visage d'une grande puissance.
Cette rencontre avec trois dockers sur le port du Havre et l'élan féministe de Varda qui revient, elle qui se demande où sont les femmes ici. Elle va rencontrer les femmes des trois dockers et va les faire exister, leur donner une place ou plutôt leur faire une place dans un lieu occupé par des hommes. Un joli moment, plein de poésie et de force.
Et parmi ces portraits, ces histoires qu'on ne connaîtra qu'à travers les regards, les visages, les sourires, une complicité entre les deux artistes est là, entre ces deux personnes à la fois si proches et si différentes, amoureux de l'image, à la recherche d'une trace d'instants de vie éphémères, comme ce très beau moment au Louvre, où ils rejouent une scène de Bande à part de Godard, portée par la mélodie du petit bal perdu de Bourvil..