Il ne manque quasi rien à l’affaire : les paillettes, les perruques, les robes satinées, les faux ongles, les talons aiguilles, des travestis forts en gueule avec un cœur gros comme ça et des vieux standards de divas cubaines à la voix grave et exaltée qui chantent comme si elles allaient crever, et pour un peu on verrait débarquer soudain Victoria Abril ou Rossy de Palma venues faire leur show à coups de répliques qui tuent et de bras gesticulant sans arrêt. Mais on n’est pas chez Almodóvar, et on n’est pas à Madrid non plus. On est à La Havane, la vraie, la pauvre, la décrépie et l’envoûtante, celle où (sur)vit Jesús, jeune gay qui coiffe les vieilles dames et ces messieurs du cabaret dont il voudrait intégrer la petite famille, chantante et trébuchante.


Paddy Breathnach qui, lors d’un voyage, s’est pris de passion pour La Havane, n’escamote rien des dures réalités de la ville (l’argent qui manque, la nourriture de peu, la prostitution…) sans jamais s’abandonner à un misérabilisme complaisant (il y avait de quoi), et le parcours de Jesús promettait donc de belles choses dans cet accomplissement de soi à travers transformisme, chansons et ruelles délabrées. Mais le scénario, très vite, chambarde son propos avec le retour du père venant occulter presque tout le reste, ce père sortit de prison, ancien boxeur plus ou moins fameux que Jesús n’a pas revu depuis des années.


En soi, rien de problématique, c’est un motif scénaristique comme un autre et qui se vaut, mais c’est dans son traitement que le film se plante, machinerie sentimentale sans surprises ne parvenant pas à donner corps à cette relation père/fils, trop balisée entre violences et différents, souvenirs d’avant et conflits du présent, et ce jusqu’à la "révélation finale" pas vraiment subtile (et bien pratique dans la progression émotionnelle de l’intrigue). Le désir d’identité de Jesús, contrarié dans son affirmation par ce père frustre et intolérant, est à l’image de ce film, contrarié lui aussi dans son charme et sa sympathie par un développement des faits convenu et prévisible.


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le 27 juil. 2016

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