Je n’aurais pas su dire où se situait l’Afrique équatoriale en matière de cinéma moderne. Est-ce que ça compte si ses réalisateurs ont tous étudié en Europe ? Il est difficile de dire, quand on se tient derrière son écran européen avec ses petits préjugés, si Djo Munga à importé l’âme belge de son alma mater, et avec elle l’américanisme qui préfère s’exprimer en dollars qu’en francs, en coca qu’en eau et en lunettes de soleil qu’en regards honnêtes, ou si ce passage en Belgique-Bruxelles lui a juste donné moyens et matière pour retranscrire son Congo-Kinshasa natal sans le traduire.
C’est un cas étrange : un cinéma de grande envergure qui semble s’enraciner dans Kinshasa pour mieux y déverser sa sève monétaire (tout comme Blomkamp dans Johannesburg, en réalité), un cinéma bien filmé mais mal joué. C’est aussi une toute nouvelle référence qui naît sous les doigts de Djo Munga : un cinéma commercial, pas juste artistique, qui tire le divertissement d’une ville en pleine décadence, obsédée par l’essence comme le Los Angeles agonisant de Southland Tales (Richard Kelly, 2006) et dirigée par des gangsters libidineux et répugnants comme The Mask mais sans amuseur.
Ce que viennent faire ces références ici ? Je n’en suis pas sûr. Après tout, c’est un sentiment tout neuf que le vrai entertainment africain au grand écran, et la place de son obsession pour l’Europe, tout comme le rôle de l’américanophilie qui semble l’avoir contaminée sur les bords, restent à définir.
En attendant, tout est presque positif ; une histoire qui oublie son cadre réel, des personnages inspirés de la réalité qui ne font jamais mine de s’y pencher dessus, quelques obsessions et des résolutions de conflits explosives, voilà toute la déconnexion nécessaire à nous faire oublier que c’est un film congolais. Le microcosme est même assez savoureux dans son beau centrage sur les adipeux relents de magouilles semi-francophones et dans ce qu’il ose un érotisme titillant la malsanité juste ce qu’il faut.
Si l’étalage est précieux, l’objectif l’est un peu moins. Peut-être Djo Munga avait-il voulu trop bien parler à l’Europe pour que la criminalité, jusque là rampante, doive se dresser soudain dans toute l’irrationnalité de coups de feu impulsifs et précis. Il manque quelque chose dans les personnages : de la gentillesse.
Insister pour que tout le monde soit corrompu, obsédé, égoïste et intéressé, c’est un all-in que la romancette improvisée sur de la drague lourde et sur base de beuverie pour échapper au mâle est loin de compenser. C’est, en fait, une technique qu’on ne peut proposer qu’avec des acquis, même si la coproduction franco-belgo-congolaise est un autre bel exemple africain de collaboration fructueuse au cinéma.
Quantième Art