Attention, cette critique dévoile pas mal de choses même si j'ai essayé d'éviter de spoiler...
Un couple de jeunes gens, Gemma, institutrice, et Tom, jardinier, sont invités à visiter un lotissement par un agent immobilier un rien chelou. Le contexte est idéal, il FAUT acheter. Sauf qu'ils vont passer un peu plus de temps que prévu dans la maison témoin. Et si c'était ça, l'embourgeoisement...
"Little boxes on the hillside; Little boxes made of ticky-tacky;
Little boxes on the hillside; Little boxes all the same" Malvina Reynolds, 1962
Difficile pour qui la connaît de ne pas penser à cette chanson lorsque l'on arrive avec Gemma et Tom dans ce lotissement de banlieue où tout se ressemble et où tout paraît un peu voire complètement factice et désincarné. Le changement de ton dans la photographie renforce ce sentiment d'avoir débarqué dans un monde irréel. Ironie du sort, parmi les publicités projetées avant ma séance, il y en eu une pour les Sims, avec Bilal Hassani, et une pour Orpi. Tout était déjà là, tout comme comme beaucoup d'éléments du film sont déjà évoqués métaphoriquement dans la scène introductive de parasitisme de couvée.
Gemma et Tom vont finir coincés dans leur lotissement et ne peuvent avoir aucun contact avec le monde extérieur. Le mystère sur le pourquoi du comment est entretenu tout au long du métrage et l'angoisse monte crescendo jusqu'à une apothéose sous acide qui m'a rappelé sur le coup à la fois Us et Cube. Ce final donne quelques clés de compréhension de ce qui se passe hors champ, mais chacun pourra y aller de son interprétation sur la dimension SF du film.
Comme toujours, le genre permet de transmettre un message plus ancré dans le réel. En l'occurence, une critique de la bourgeoisie, du consumérisme standardisé, voire même du couple en tant que système anthropologique permettant la reproduction et l'éducation.
Cette notion de reproduction est d'ailleurs omniprésente, dans des sens différents. Les journées se suivent et se ressemblent, les nuages sont en forme de nuage, les professions sont dupliquées dans le couple (l'instit éduque, le jardinier creuse un trou), les enfants singent leurs parents... Et en bout de ligne l'existence elle-même n'a vocation qu'à être reproduite par d'autres à l'identique et à l'infini. Finnegan souligne par-là la vacuité de ces vies menées par des PNJ réduits à leur fonction sociale et anthropologique au service de cet éternel recommencement. Nos protagonistes occupent d'ailleurs une maison marquée du chiffre 9, dont certaines acceptions symboliques autour du cycle et de l'éternité (mais aussi de la gestation) font écho à ces tristes sorts.
C'est très fort, on est à la fois pris dans la narration du thriller au premier niveau de lecture, envouté par l'étrangeté de cet univers visuel, tout en se creusant les méninges sur le sous-texte et sur la façon dont le film s'érige en représentation allégorique de l'enfer bourgeois. C'est en cela une oeuvre très stimulante et plaisante pendant et après la séance. La mise en scène est sobre et efficace, tout en plans fixes qui enfoncent le clou sur le portrait de cet environnement froid et inamovible.
Coté personnages et acteurs, mention particulière pour Gemma et l'interprétation d'Imogen Poots, femme forte et pétillante, qui
finira consumée par le rôle de mère auquel elle aura été réduite.
Le propos n'est pas joyeux, mais c'est une vraie réjouissance que ce film de genre à petit budget, qui ne laisse rien au hasard et nous habite encore longtemps après la fin du générique.