Voilà un curieux film, original et alerte puis subitement convenu et décevant. Au final, le sentiment est forcément mitigé.
Un contingent de militaires français de retour d'une mission de six mois en Afghanistan fais escale à Chypre où l'attend un stage de décompression de trois jours. Parmi eux, Aurore et Marine, soldates et Fanny, infirmière.
Le film s'ouvre sur un oeil en très gros plan. Ce plan est à la fois un paysage et l'annonce d'un thème qui sera développé, celui de la persistance rétinienne. Delphine et Muriel Coulin abordent le film de guerre à travers le sous-genre du retour qui ne manquent pas de grandes références (Le Retour d'Hal Ashby, Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino...). Ces films ont en commun de traiter hors champ le sujet qui obsède les personnages.
Les réalisatrices adoptent un angle malin et le traite, dans un premier temps, avec finesse. Plutôt que de confronter leurs personnages au retour au pays et de filmer des scènes déjà beaucoup vues, elles choisisssent de concentrer leur sujet sur un stage de décompression, étape intermédiaire du retour, au cours duquel les soldats vont débriefer leur mission accompagnés d'un psychologue. La très bonne idée du film, c'est le dispositif de logiciel de réalté virtuelle utilisé par l'armée. Un casque vidéo permet à chacun(e) de revivre un fait marquant de la mission au plus près des images et des sons et de libérer par la parole une part de la violence accumulée. Ces séquences sont très réussies accompagnant une réflexion sur la valeur des images, la manipulation psychologique (on veut substituer à nos souvenirs des images propores, le sang ne coule même pas) et l'évolution de l'armée dont la réputation de grande muette est ici obsolète. La vie du groupe au milieu d'un hôtel de tourisme accentue le choc du changement. Les témoignages se succèdent en séances collectives, presque tous évoquent l'expérience traumatisante d'une embuscade, vécue comme victime ou temoin impuissant(e). Autant d'acteurs, autant de souvenirs, autants de versions. Toutes vraies. Elément d'originalité supplémentaire, les personnages principaux sont deux soldates, Marine et Aurore, plus tolérées qu'acceptées par les hommes, on devrait dire les mecs.
Fort et complexe le film va basculer dans un recit prévisible et une deuxième partie ratée. La virée des filles rejointes par leurs collègues masculins, protecteurs, jaloux et violents égare le propos du film sur des chemins balisés et assez grossiers. Seul submerge le talent d'Ariane Labed au milieu d'un casting convaincant où émerge en quelques scènes la présence de Karim Leklou.
On peine à comprendre que les producteurs du film n'aient pas poussé les réalisatrices à creuser la très réussie première partie du film. Dommage.