Aussitôt sorti du nid, le coucou-film fut disséqué, analysé sur le terrain des métaphores.
Refusé par les majors, tiré d'un livre écrit par un hippie sulfureux, dirigé par un tchécoslovaque échappé de l'enfer communiste, il échappe pourtant à son créateur, ainsi qu' à toute interprétation univoque.
Métaphore sociale, ce portrait de groupe. Et pourquoi pas de famille? Père absent( les médecins causent, que font-ils d'autre ? ). Mère castratrice couvant de sa froide autorité d'oiselle des frères infantiles au purgatoire.
Métaphore politique surenchérissent d'autres. Celle de la Tchécoslovaquie post-printemps de Prague écrabouillé. Le dogme de l' enfermement pour sauver les ouailles d'une monde extérieur dangereux, le capitalisme et ses tentations. Une infirmière-chef fanatique, convaincue de sa mission, il faut sauver le soldat Mac Murphy. Un dissident qui fait de la liberté l' étendard de ses désirs.
Oui décidément, ce film nous échappe, et comme le dit un apprenti cinéphile de mon club, "on ne voit pas où il veut en venir" Forman.
Il avance masqué le diable, volontiers manipulateur. Il joue l'identification à Mac tout en le dépeignant de prime abord animal joueur sans cervelle, obsédé sexuel, violeur sans vergogne! Elle se déclenche quand sous le regard de Mac nous comprenons enfin qui sont ces malades, pourquoi ils sont là, peur qui les oblige à s'abriter en ce nid douillet de la routine hospitalo-psychiatrique. sont-ils réellement malades ou encombré de folies?
L'ironie constante, moteur de l' intrigue, joue sur les contrastes, Mac dit noir, sa famille de bras cassé d'adoption dit blanc, puis cela s'inverse quand Mac se fait le défenseur de leur cause, seulement en valent-ils la peine ces "abrutis"?
Ils sont enfermés? Ils les libèrent...
Sa pseudo-liberté le condamne à être enfermé, comme un piège se refermant sur lui.
Les métaphores abondent, comme ces petits poissons servant à attraper les gros, femmes servant d'appât sexuel.
Une chose m' échappa, l' inconfort d'une caméra se focalisant plus sur ceux qui écoutent que ceux qui parlent. On voit que Forman, immergé dans l’hôpital où il tourna le film, a séparé le bon grain thérapeutique-ce groupe de parole, de l'ivraie-gérer ce nid de coucou, médocs abrutissants, clefs et grillages pour cadenasser.
Et l'indien? Pourquoi lui aussi joue-t-il sa comédie ? Pourquoi joue -t-il de l' oreiller de cette façon?
Une autre métaphore est possible.
Et si au lieu de dépeindre le monde communiste qu'il a laissé derrière lui, ou comme l'affirment certains communistes en rage, sublime ironie, il avait dépeint les Eu en infâme tripot où les hommes boivent et baisent, les indiens se taisent et les noirs toujours au service des blancs pour le sale boulot. La soif de liberté à l' américaine démentie par cet asile d'accrocs aliénés.
Et si, ultime métaphore lue nulle part, ce film était au sens secret de l' exégèse , la métaphore ironiquement rageuse d'un tchécoslovaque qui rêva l' Amérique avant d'y vivre?
Le récit métaphorique de ce décalage constant d'un homme ( Forman lui même) débarquant en société inconnue, qui doit en intégrer les codes afin de trouver sa place. Et se désillusionne de l' aliénation de masse des américains déjà abêtis par la télévision...
De la quête d'outsider d'un cinéaste déjà aux abois après l' échec de son premier film US. Sa liberté est son génie, il est le mauvais génie, et le bon.
Suivront les portraits de Mozart, de Flynt, de Kaufman autant de génies provocateurs seuls contre des hydres, masqués/démasquant, masqués/démasqués.
Ce film prit aux tripes l'adolescent que je fus, il a cette puissance d'identification qui marche encore sur ceux aujourd’hui, je peux en témoigner. Et malgré les ficelles faciles que le cinéphile que je suis devenu répugne à admettre, il reste une formidable machine de cinéma.