Depuis petit, on est plein dans ma tête.
J’ai toujours pensé que pour les autres, bah c’était pareil.
C’est la fois où on m’a mis ma première chemise qui se ferme dans le dos que j’ai réalisé qu’en fait non, vous autres, vous êtes tout seuls.
Je juge pas, je suis qui pour juger ? On n’est juste pas tous nés sous la même étoile.
Le premier qui m’a parlé, je devais avoir 6 ou 7 ans je crois, au début j’ai d’abord pensé que c’était Dieu.
J’étais super fier, Il m’avait choisi. On n'était pas pléthore, il y avait Fernandel et moi.
Rapidement, vu qu’il racontait que de la merde, j’ai réalisé que je n’allais ni devenir Don Camillo, ni même un cheval.
Passé la déception de ne pas être l’élu, je l’ai gardé quand même parce que c’était une saloperie d’extra-terrestre inoffensif. Je l’ai appelé Oméga.
J’habitais en face d’un vendeur de montres.
Ensuite, et c’est la seule voix avec laquelle j’ai fait ça, je l’ai incarné dans le jouet du chien, un truc en plastique avec plein de picots qui faisait plus pouic-pouic depuis belle lurette et qui ressemblait au virus du SIDA en vert fluo.
Je l’ai accroché à une ficelle pour le traîner toujours derrière moi.
Je l’ai eu jusqu’à mes 14 ans.
Le deuxième qui m’a parlé, il parlait pas, il jouait du banjo.
Donc je le compte pas tout en le comptant.
T’as capté ?
Le troisième c’était une troisième.
Elle s’appelait Esmeralda, une gitane échappée du paquet de garos de mon daron.
Elle sentait bon, un peu sauvage et puis elle était jolie.
Elle avait les yeux et les cheveux charbon.
On se comprenait pas très bien, elle parlait le javanais des caravanes et moi celui des HLM.
Elle m’a appris à faire le cochon-pendu car elle n’était pas musulmane.
Gédéon c’était la quatrième voix et je t’avoue, ça commençait à faire du monde.
Surtout que le Gédéon, il a un avis sur tout. Il est jamais d’accord sur rien.
Il disait des machins comme “Respirer, ça sert à rien. C’est pour les faibles!” ou “La Belgique ça n’existe pas, ça se peut pas”.
J’aimais bien quand il intervenait, Gédéon, c’était toujours pour faire chier, toujours pour ralentir le débat.
Un jour, il a même dit à Banjo, “Mec, t’es même pas accordé”
C’était chaud.
La cinquième voix, c’était moi qui venait me demander si j’en avais pas marre d’écouter toutes ces conneries. Qu’il serait bon d’envisager enfin le monde réel.
Venir, faire le trajet, pour me dire ça. Pour qui je me prends au juste ?
Je lui ai répondu.
"On a déjà un Gédéon, ducon, t’es mignon, va donc voir ailleurs si j’essuie.
La vaisselle".
La bise