Volte/Face, c'est surtout John Woo et son style baroque jusqu’à l’excès : ralentis omniprésents, cascades explosives, dialogues outranciers, sans oublier ces colombes qui volent comme si elles étaient payées à l’heure. C’est vrai et parfois franchement ridicule. Mais ce n’est même pas la faiblesse principale du film pour moi. Au contraire, si on accepte de jouer le jeu, cet univers exubérant a son charme, une sorte de folie assumée un peu jouissive.
Non, mon vrai problème avec le film, c’est le synopsis. On parle d’un thriller qui repose sur une opération chirurgicale où deux ennemis échangent littéralement leurs visages pour « infiltrer » le milieu de l’autre. Mais en dehors de ça, j’ai franchement du mal à voir si on est dans la farce involontaire ou une exécution maladroite d’une idée de thriller géniale. Quitte à faire dans l’improbable et se prenant (presque) au sérieux, autant échanger les esprits ; c’est quoi ce délire de visage ? OK, ça offre une super scène où Nicolas Cage, sans visage, embrasse la frontière entre le grotesque et le génie.
Parce que oui, Nicolas Cage, acteur de l’improbable, est parfaitement à sa place ici. Que ce soit en psychopathe déchaîné (Castor Troy) ou en héros tourmenté (Sean Archer), il s’amuse visiblement avec ce rôle à facettes multiples. John Travolta, en revanche, semble plus coincé et unidimensionnel du « bon flic » et « bon père de famille ». Il est incapable d’embrasser la folie inhérente au script. Là où Cage s’envole (littéralement, parfois), Travolta reste cloué au sol, trop empêtré dans une morale américaine rigide.
Et c’est là que réside l’autre déséquilibre du film : le choc des cultures. D’un côté, on a le style hongkongais baroque de John Woo, avec son amour des excès et son absence de retenue. De l’autre, une morale américaine bien-pensante qui impose une structure et des valeurs incompatibles avec cette démesure. Résultat : une œuvre mi-figue mi-raisin, où les scènes jubilatoires (explosions, duels extravagants, Nicolas Cage en furie) côtoient des moments d’une platitude affligeante, notamment du côté de la famille Archer, tellement ennuyeuse qu’on a presque envie de changer de chaîne.
Et ce fameux geste de Sean Archer, qui passe sa main sur le visage des gens qu’il aime… La première fois, on se dit : "C’est quoi ce truc gênant ?" La deuxième fois, on se marre. La troisième, c’est devenu un mème. Voilà une métaphore parfaite pour le film : une idée mal exécutée qui devient involontairement hilarante.
Volte/Face déploie des moments franchement drôles, une énergie folle et un style unique. Mais c’est aussi un film qui s’étire inutilement, se perd dans ses propres contradictions et devient lassant. Au fond, c’est un plaisir coupable qui peut amuser autant qu’il peut agacer. De mon côté, la balance a plutôt penché pour l’ennui au bout de deux heures, d'autant que les « gentils » gagnent. Et que les colombes s'en sortent.