Vortex est un film qui se dévore lui-même, en s’ouvrant sur sa fin il annonce tragiquement l’inévitable et mortifère destin de ce vieux couple qui se lève innocemment de son lit – Dario Argento, qui est passé maître dans l’art d’exceller dans tout ce qu’il fait, et Françoise Lebrun qui offre une performance digne de son mari. Le fatum tragique est énoncé, l’image se divise en deux parties symétriques et froides, l’ambiance pesante. Tel un kart lancé à toute allure, naviguant de pixels à pixels sur votre Nintendo DS ; ici bien sûr il faut remplacer l’énorme Bowser par l’imposant Chronos et surveiller ses arrières car Deleuze et Bergson vous collent au train. Aux deux écrans de votre console on peut comparer ceux de Vortex, qui isolent et individualisent ce couple – on se rendra compte ensuite qu’il ne l’a finalement jamais été.
Pour un cinéaste qui nous a habitués, de gré – et trop souvent de force, à un montage frénétique, à des musiques qui arrachent les tympans et des plans psychédéliques, ultra-violents et performatifs, il prend ici à revers tout ce qui l’avait fait célèbre jusque là : l’ambiance est certes toujours lourde, mais l’esthétique est froide, épurée, calme et lente.
On suit les errances de ces deux âmes, qui attendent la carapace bleue de la Fin dans leur appartement vieilli et labyrinthique – ultime témoin de vies marquées par le XXe siècle, de sa culture, et de son évènementialité. Exigu et anguleux comme le château de Bowser, flou comme un livre de Saint-Gilles, cet appartement qui donne des allures de huis-clos sonne déjà comme une succursale du cercueil qui les attend. La mort est omniprésente, dans les discussions, dans les gestes, sur les corps et dans la narration. Le cynisme touchera son paroxysme dans la scène de la cérémonie funèbre, avec son artificialité rituelle qui devient cruelle tant elle est exacerbée.
Les rares moments en dehors de cercle vicieux sont les va-et-viens anecdotiques du fils à travers le nord de Paris, ce qui donne l'occasion de mêler sous prolétariat, consommation de drogue - évidemment - et sénilité. Si l'intérieur semble dangereux, l'en-dehors l'est encore plus. Dario et Françoise sont en décalage avec ce nouveau Paris qui leur est étranger. En plus de probablement voter pour la retraire à 65 ans, ils ne sortent plus, attendent.
Si le cinéma est un art du mouvement, principe nécessaire à la création de cette fameuse durée : ici l’un semble ne pas aller avec l’autre. Le temps passe mais statique, donnant une impression d’être à la fois hors du temps mais pourtant toujours poursuivi par lui. L’expérience de la durée est étrange et désagréable, mais qu’importe car le film est, lui, maîtrisé.
Finalement, comme dans Mario Kart, une fois les tours cycliques terminés il est impossible d’échapper à la ligne d’arrivée. Dario et sa compagne ne dérogeront pas à la règle. L’appartement est vidé, puis vendu : et le cycle reprend de plus bel.
De gros poutous sur vous, malgré le vote utile.
Bizou.