Il y avait bien longtemps que je n’avais vu un film de Noé. Le dernier devait être Enter The Void et il n’avait pas grand-chose à voir avec le film qui nous intéresse aujourd’hui. Une chose est sûre, c’est qu’avec Noé, on est sûr de rien.
Vortex nous propose de suivre le quotidien d’un couple de petits vieux. Lui est un réalisateur toujours à fond dans sa recherche, comme accroché à une bouée de sauvetage. Elle était psychiatre mais aujourd’hui, elle est surtout atteinte d’Alzheimer. Leur quotidien est fait de routines et d’angoisse. Et leur fils est bien seul quand il faut gérer les problèmes de ses parents en plus des siens.
Rien, vraiment rien ne nous sera épargné dans ce long tunnel claustro de 2h15. On ne quittera que peu l’appart exigu et surchargé du couple. L’action sera constamment filmée selon deux points de vue c’est à dire que concrètement, l’écran est séparé en deux carrés et les deux images sont simultanées. Généralement, il y a un personnage par carré. Chacun est enfermé dans sa petite boite. Ou, symboliquement par l’encadrement d’une porte ou d’une fenêtre voire, comme suggéré au début du film, l’encadrement d’un cercueil. Ces cadres dans des cadres sont autant d’illustrations du mantra du film : la vie n’est pas un rêve, elle est un rêve dans un rêve. C’est à dire qu’elle n’a pas de réalité tangible et qu’il n’en restera rien de toute façon. On le voit bien, la forme prime. Et sur ce point, on sait Noé intransigeant. Ainsi, si ça doit être âpre, ça l’est. Le bruit numérique est omniprésent et il illustre à la fois l’obscurité dans laquelle naviguent les personnages mais aussi l’urgence de ces vies, comme filmées à la va vite et pour la dernière fois avant qu’il n’y ait plus rien à voir. Sur le rythme aussi, on bouleverse le spectateur. C’est lent. Il y a toujours quelque chose à regarder dans un des cadres mais ça semble ne rien raconter. Peu de coupes. Et à la manière d’Irréversible, on fera subir au spectateur l’intégralité du drame qui se joue. A vrai dire, c’est physiquement éprouvant quand on assiste en temps réel à l’agonie d’un personnage. La tentation de fuir en quittant la salle est grande, avouons-le. Pour autant, tout ce qui est raconté là donne à voir la réalité des angoisses qui nous attendent. Celles de ne plus servir à rien, de la dépendance, de l’héritage en trompe l’œil, de l’inversion des rôles générationnels. Chacun y trouvera forcément une résonance avec ses propres questionnements, pour lui-même ou pour ses proches. A l’interprétation, c’est parfait de bout en bout, renforçant le sentiment de ciné-vérité.
Au final, un film fort et brillant donc. Et est-ce qu’on le conseillera ? Pas aux âmes sensibles en tout cas. Ni aux jeunes, peut-être trop éloignés du sujet. Ni aux enfants ça va de soi. Ni à ceux qui sont trop habitués à un cinéma consensuel ou formaté. Peut-être pas non plus à ceux qui vivent une expérience proche de celle du film. A qui alors ? Au spectateur curieux qui aime être secoué et qui n’a pas peur qu’on l’attrape par le col et qu’on lui colle deux ou trois gifles. Bref, spectateur masochiste, ce film est pour toi.