Les couples composés d'une femme âgée et d'un homme plus jeune fleurissent ces temps-ci au cinéma (Rose, Les jeunes amants, Vous ne désirez que moi) comme faire tomber un tabou persistant de notre société. Et que cela soit le fait de réalisatrices n'est sans doute pas un hasard, mais une preuve de courage et d'audace féminins. Vous ne désirez que moi est bien entendu à part, reprenant le texte de Je voudrais parler de Duras, des entretiens de Yann Andréa avec Michèle Manceaux, enregistrés en 1982, du vivant de l'écrivaine, mais seulement publiés en 2016. Ce face à face, où l'amant de Duras confie jusqu'au plus intime de son existence et de ses sentiments aurait pu être retranscrit en pièce radiophonique ou de théâtre et aurait eu peut-être plus d'impact que comme un film de cinéma. C'est en tous cas ce que l'on se dit durant la projection car ici ce sont les mots qui ont le plus d'importance, dans ce quasi monologue, à peine relancé par l'intervieweuse. Claire Simon réussit tout de même à faire respirer son film à travers une poignée d'archives, d'extraits de longs-métrages de Duras et de remarquables dessins évoquant le plaisir charnel des deux amants . Et puis Swann Arlaud, extraordinaire, incarne un Andréa d'une sensibilité extrême, homosexuel et pris dans les rets de la passion, soumis ou peu s'en faut à une femme exclusive, étouffante et elle-aussi piégée par l'obsession amoureuse. Le plus étonnant, finalement, est que, malgré un dispositif a priori aride, l'ennui n'a pas sa place dans Vous ne désirez que moi, que l'on s'intéresse au nom à l'auteure d'India Song.