Il existe des tas de formes d'amour, bien entendu, quasiment autant que d'amoureux, même si on aime bien classer les choses dans des petites cases faciles à appréhender. Il faut une grosse dose de curiosité et de patience pour écouter l'amant de Marguerite Duras analyser leur relation; le titre ne parle que de désir, et c'est peut-être effectivement un bon choix, parce que le dialogue (repiqué sur les cassettes enregistrées en 82 par la journaliste qui interviewe le jeune type) parle plutôt de passion que d'amour, en général. Marguerite et Yann, après 6 ans de correspondance, se rencontrent et l'écrivaine perçoit tout de suite l'emprise qu'elle peut avoir sur ce jeune homme prêt à tout abandonner du jour au lendemain pour elle qu'il ne connaît qu'à travers ses livres. C'est romanesque. Les différences d'âge, de prestige, de talent, de notoriété, tout concourt à rendre leur relation bancale. Il fallait un garçon cérébral, peu sûr de soi et un peu suicidaire pour s'engouffrer tête la première dans une galère pareille. Mais il jubile, dans le même temps qu'il s'étiole. Un drôle de cocktail pour un drôle de film, qui ne sort guère de la pièce où a lieu l'interviewe mais parvient parfois à pousser les murs et à surprendre, notamment quand, au tout début, les dialogues ne sont audibles que lorsque le magnétophone est en route. Des images d'archive viennent interrompre et compléter le récit de l'homme blessé. Duras est là, insaisissable, fantomatique, y compris dans des petites aquarelles qui évoquent la vie sexuelle des deux amants. Encore une drôle d'idée, ça. Pas complètement échevelée, mais quand même... une grosse pensée pour l'artiste qui a dû se cogner ça. Bref, une potion un peu amère, qui laisse dubitatif et ne donne pas spécialement envie d'acheter un bouquin de Duras.