A l’inspiration résolument traditionaliste, au style d’un statisme déconcertant, « Voyage à Tokyo » représente une sorte de concentré idéal de toute l’œuvre d’Ozu : il décrit avec une économie de moyens proprement stupéfiante la désagrégation des valeurs familiales et sociales dans un pays guetté par la modernisation.Cinéaste de la contemplation souriante, il pratique un art minimal dont l’apparente sécheresse secrète cependant une émotion profonde.Car réactionnaire pour certains, Ozu est en fait un contemplatif, inscrivant de menus faits quotidiens dans le grand livre de l’éternité.Il filme en plans fixes, cadrant les scènes en position basse- la « position du tatami », dédaignant les travellings et gros plans.De ce moule immuable sont issus quelques films austères et limpides, à l’émotion infinitésimale mais d’une absolue sincérité.Ozu parvient, à force d’impassibilité et d’humilité en face des situations et des personnages, à insérer ceux-ci dans le flux inexorable du temps.Une impressionnante sérénité en découle, le réalisme minutieux confinant à l’abstraction, sublimant paradoxalement d’autant la chronique - et, touché par la grâce, lui faisant atteindre une sorte de perfection formelle absolue.