Découvrir le cinéma de Yasujiro Ozu et Voyage à Tokyo c'est avant tout remettre en question son approche du medium. En effet le premier contact peut paraitre abrupte, dès le début la mise en scène est stricte et ne cessera de l'être, le cinéaste privilégiant le plan fixe à tout autre et les champ-contrechamps animant seul la quasi intégralité des dialogues, eux-mêmes assez peu présents. Cela peut sembler peu, cela peu sembler austère. Et pourtant assez vite, cette technique apparait comme suffisante et même signifiante.
Suffisante d'abord parce que mise en œuvre avec soin, les plans sont fixes mais les décors - très majoritairement intérieurs - sont habités et fourmillent de détails insignifiants mais donnant vie à ces maisons. La transition entre les plans est assurée par des coupes-franches, mais les plans suivant parfaitement les déplacements des personnages il y a un vrai rythme dans le mouvement, malgré les plans fixes.
Signifiante ensuite, parce que cette mise en scène stricte épouse parfaitement les coutumes et le codes sociaux montrés. La relation au sein de la famille répond à une tradition qui nie le cloisonnement et l'éloignement de membres dès lors qu'ils ne vivent plus ensemble. Et ces codes acceptés de chacun forment un cadre aussi ordonné que les plans de Ozu.
Mais au-delà de la mise en scène, c'est tous les éléments du métrage qui entre en résonnance ensemble grâce à un soin infini porté aux détails, aux dits et au silence. Avec peu de mots, peu d'effets, presque en épure, Voyage à Tokyo parvient à parler très justement de la famille, de la vieillesse, de la parentalité, de l'alcool et de la mort. Et donc de la vie. Le film n'est jamais larmoyant, jamais moralisateur, tous les personnages sont coupables et victimes de leurs décisions. Mais ces décisions mêmes ne sont rien, ce ne sont que des petits riens. Les gens sont comme ça, c'est tout.
Voyage à Tokyo a cela d'universel qu'il est si juste - alors qu'ancré dans une culture et une époque bien spécifique - que chacun pourra y retrouver des éléments de sa propre expérience et de sa propre famille.
Aller je file, je vais appeler ma mère.