My dear hunter
Avec voyage au bout de l'enfer, l'occasion nous est d'emblée offerte de revenir sur le désastre que peut constituer un titre français par rapport a l'original (désastre qui peut s'appliquer aux...
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le 10 mars 2011
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C'est le vrai titre de ce terrible et impressionnant film de Michael Cimino. Le titre original est beaucoup plus neutre que le titre français qui résonne très, très désagréablement à mon oreille. D'autant que cette fausse analogie démagogique n'a aucune raison d'être. Dans "The Deer Hunter", on a affaire à des gens normaux qui sont sains, beaux et respectables et non à un dégénéré misogyne et raciste. Fin de mon abcès de mauvaise humeur…
Ok, c'est un film sur la guerre du Vietnam et les traumatismes qu'elle a pu engendrer auprès des soldats qui y ont trempé ainsi qu'auprès de leurs proches restés au pays. Mais, personnellement, je pense que c'est, avant toute chose, un film sur l'amitié. Sur ce que l'amitié permet et laisse espérer aux êtres humains pendant et au-delà des épreuves.
Divisé en trois parties distinctes avant, pendant et après, le film nous offre une fresque sur la vie de trois jeunes gens américains Mike, Nick et Steven, d'origine slave, qui vont se trouver engagés dans le conflit au Vietnam.
Le long développement "Avant" permet de définir la vie paisible dans cette bourgade de Pennsylvanie dont la vie s'organise autour d'une activité industrielle sidérurgique. Sorti du travail à l'usine, les copains et copines se réunissent pour boire des coups, pour flirter un peu et chasser le daim dans les montagnes environnantes. Cette bourgade est d'ailleurs une "colonie" slave (je crois avoir entendu citer le mot Ukraine mais ne suis pas très sûr) car face à l'activité industrielle, on perçoit l'omniprésence des clochers de l'église orthodoxe sur lesquels la caméra s'attarde fréquemment. D'ailleurs, Cimino nous offre une splendide cérémonie de mariage d'un des copains dans la grande tradition orthodoxe avec des beaux chœurs, qui se poursuit par un banquet (fort imbibé) avec des danses et chants typiquement slaves. Cimino met en scène le bonheur ordinaire en temps de paix. L'amitié entre nos trois héros est une amitié de copains qui se connaissent depuis toujours. Il y a bien le personnage de Mike (Robert de Niro) qui exerce un certain ascendant sur Nick (Christopher Walken) et Steven (John Savage). Surtout Cimino laisse trainer quelques indices sur une dégradation de l'ambiance : le slogan affiché dans la salle des fêtes "Serving God and Country proudly", le sergent mutique qui va boire un coup seul au bar et refuse le contact avec les trois conscrits.
La transition entre "Avant" et "Pendant" est magnifique au travers d'un nocturne de Chopin joué par un des copains qui reste au pays pendant lequel tout le monde se recueille avant de basculer dans un monde de guerre où "on" assassine les femmes et les enfants. Quelques années plus tard, Kubrick fera dans "Full Metal Jacket" une transition du même type mais avec cette fois une chanson nerveuse de Nancy Sinatra. Chaque fois que je vois l'un ou l'autre film, je me plais à admirer ces transitions.
"Pendant" décrit la guerre à travers un camp vietcong de prisonniers américains dont nos trois héros. Ce sont les fameuses scènes de roulette russe qui sont des scènes réalistes et inoubliables. Je ne pense pas que Cimino ait voulu généraliser et considérer que tous les Viêt-Cong faisaient de même. Là, il se trouve que les prisonniers sont la proie d'un petit roitelet sadique comme il en s'en trouve toujours dès qu'un pouvoir de vie ou de mort est exercé. Le choix de Cimino a le mérite de l'efficacité. Ce qui me semble beaucoup plus important dans "Pendant", c'est l'évolution de l'amitié entre Mike, Nick et Steven où Mike prend clairement un lead et essaie de transférer son mental d'acier à ses deux amis qu'il voit sombrer. Au risque de paraître théâtral, je dirais bien qu'il s'agit d'amitié solidaire avant que les aléas de la vie militaire fassent que chacun des trois suivra son destin.
Il n'y a aucune musique dans "Pendant". On est dans un monde où elle n'a pas sa place.
"Après" voit le retour de Mike au pays. Seul. Sans Steve ni Nick. Transformé. Malgré ses nombreuses breloques sur son uniforme. Le "deer hunter" ne prend plus les armes à la légère, dit-il au cours d'une nouvelle partie de chasse. Alors qu'il a un cerf au bout de son fusil qui l'observe, il tire volontairement à côté. L'amitié entre les trois amis se veut cette fois restauratrice, réparatrice pour tenter de retrouver "Avant". Cimino nous livre des scènes intenses entre Mike et Steve puis entre Mike et Nick.
De Niro, Christopher Walken et John Savage sont tous les trois impressionnants. Affreusement crédibles. Inoubliables.
Les seconds rôles sont pour la plupart excellents. Meryl Streep est sublime dans son désespoir muet. John Cazale dans un rôle de quasi loser et George Dzundza dans le rôle de l'ami fidèle et malheureux sont aussi excellents. C'est Georges Dzundza qui joue le "nocturne" de Chopin à la fin de "Avant".
La musique joue un grand rôle dans le film à travers des chansons ou les chants russes. Son absence est significativement douloureuse dans "Pendant".
"The Deer Hunter" est un film très beau et très puissant dont on ne voit pas passer les trois heures. C'est un film intense qui prend aux tripes et ne nous lâche qu'avec le mot "Fin".
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le 26 janv. 2024
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