Howard Wakefield (Bryan Cranston) est un homme d'affaires accompli, mari d'une femme séduisante, père de deux filles et propriétaire d'un manoir de luxe. Le film commence par un plan d'ensemble sur la ville de New York, avec un long embouteillage visible entre les grands immeubles. «Big Apple». L'une des légendes sur l'origine de ce surnom de la métropole est née chez les musiciens de jazz, où un proverbe disait : «Il y a beaucoup de pommes sur l'arbre du succès, mais si vous avez réussi à conquérir New York, vous avez eu la grosse pomme». Howard est définitivement l'homme de la grosse pomme. Il arpente les rues de New York d'un pas pressé et assuré, dépassant ceux qui sont trop lents, sachant où il va et ne supportant pas de perdre du temps. Il ignore le mendiant devant l'entrée de la gare, ne jetant qu'un regard mécontent à l'homme qui l'a bousculé par mégarde, et, entrant dans la boulangerie, se met dans la file d'attente juste devant la première personne, une femme âgée, réglant son achat en quelques secondes et quittant la boulangerie. Égoïste ? Plutôt un homme qui n'aime pas perdre son temps. Un vrai New-Yorkais.

Même de retour chez lui dans le train, Howard n'oublie pas le travail, enregistrant les projets du lendemain sur un dictaphone. Soudain, le train s'arrête brusquement et le courant s'éteint. Dans de nombreuses scènes de films, le train peut symboliser la vie. Et dans ce petit moment du film, on peut anticiper ce qui se passera dans les scènes suivantes. Ce soir-là, Howard Wakefield, un bourreau de travail maussade, fera une pause sur sa vie.

Alors qu'il s'approche de sa maison, il croise un raton laveur qui s'enfuit dans le garage et le suit pour chasser l'invité indésirable. Une fois dans le grenier du garage, il aperçoit par la fenêtre ronde les grandes fenêtres de sa maison, où sa famille l'attend. Howard Wakefield décide de jouer à cache-cache avec sa famille. Trouvant des jumelles dans le bric-à-brac du grenier, il commence à espionner sa femme (Jennifer Garner), qui tente de le réjoindre, et s'amuse de sa réaction. Les enfants ne semblent pas se préoccuper de savoir si leur père rentre ou non à la maison, mais la femme s'inquiète, compose son numéro encore et encore, puis se met en colère et jette sa portion de nourriture à la poubelle. Pour éviter un scandale avec sa femme, Howard décide de rester un peu plus longtemps dans le grenier et... s'endort.

Le premier jour de sa «disparition», Howard a peur de rentrer à la maison, car sa femme le soupçonnerait immédiatement de l'avoir trompé. Néanmoins, à en juger par les flashbacks qui constituent une bonne partie du film, lui et sa femme aiment jouer au jeu de la jalousie. Elle le provoque souvent en parlant à d'autres hommes, ce qui le rend jaloux. Évidemment, elle fait cela pas par son propre désir, mais pour allumer le feu de la passion chez son mari et obtenir de bonnes parties de jambes en l'air.

Nous entendons davantage la voix-off de Bryan Cranston, qui jouait le rôle d'Howard Wakefield, le soi-disant monologue du personnage, à travers lequel nous apprenons ce qui'il pense de sa vie, de sa femme, de ses enfants et de lui-même. Chacun d'entre nous a probablement eu, au moins une fois dans sa vie, l'idée égoïste de disparaître de la vie de ses proches pour observer leurs réactions. Howard donne vie à cette idée et nous apparaît comme un terrible égoïste, car il ne se présente pas devant sa femme, même lorsqu'elle pleure sa disparition, il n'a pas pitié d'elle, il se moque seulement d'elle. En même temps, l'espionnant depuis le grenier du garage, il s'attend à ce qu'elle le trompe. Même lorsque Diana, sa femme, rejette les avances d'un collègue de l'entreprise où Howard travaille, la conviction de sa fidélité ne le pousse pas à revenir vers elle. Qu'attend Howard Wakefield pour cesser de se cacher et retourner auprès de sa famille ? Le fait de l'adultère ?

Parfois, l'espionnage peut être une bonne chose. Ainsi, Howard espionne son voisin, le Dr Sondervan, médecin réputé pour le syndrome de Down et d'autres problèmes de développement, qui invite des personnes atteintes de ces maladies à vivre avec lui pendant quelques mois. Tous les voisins, y compris Howard lui-même, ont signé la pétition, car ils considéraient qu'il s'agissait d'une perversion. Maintenant, en observant à travers les lentilles des jumelles les paisibles réunions du docteur avec ses patients, Howard se rend compte de son erreur, car ces derniers passent un bon moment avec le vieux docteur. Une patiente aperçoit soudain Howard dans une fenêtre d'un grenier voisin, ce qui l'effraie, et elle et son amie lui rendent visite un autre jour. On ne peut pas dire que l'apparition de ces deux malades mentaux dans cette histoire soit un moyen d'embellier la solitude de Howard, car ce n'est justement pas qu'il se sente seul, comme il le dit à une occasion. Il est fort probable que ces deux personnages, l'un atteint du syndrome de Down, Herbert, et l'autre d'une maladie mentale apparente, Emily, servent de «levier» au développement du personnage principal, Howard. Soit pour lui donner bonne conscience, étant lui-même en très bonne santé physique et mentale (nous connaissons tous l'effet que les personnes handicapées ont parfois sur nous il ne s'agit pas de pitié), soit pour le ramener au moins auprès de ses enfants. Howard interagit avec Herbert et Emily comme s'ils étaient ses propres enfants, expliquant à Emily ce que sont le pointes pour le ballet et à Herbert ce qu'est une pompe à vélo. Dans ce moment de nostalgie, il pense certainement à ses enfants et au temps qui lui manque lorsqu'ils étaient petits.

Cependant, il n'a pas l'intention de retourner auprès de ses enfants non plus, car il admet lui-même qu'il les voit beaucoup plus souvent qu'avant. Alors qu'il continue à espionner, à ramasser les restes de nourriture dans les urnes, à se faire pousser la barbe, il se rend compte que sa femme tient bien le coup. Elle économise de l'argent et reprend le travail, et même la peur de perdre son rôle de soutien de famille n'incite pas Howard à revenir. À travers son monologue et les fréquents flashbacks de sa vie (l'histoire raconte comment il a volé la petite amie, Diana, de son ancien compagnon, Dirk Morrison), on se rend compte qu'Howard Wakefield est un homme égoïste. Howard en est-il lui-même conscient ?

Sa prise de conscience est plus tardive. Lors d'un nouvel espionnage de sa femme, qui s'est épanouie pendant les mois de son absence, il prend soudain conscience de son égoïsme. Des larmes lui montent aux yeux.

«Howard est la victime. Howard est l'accusateur. Howard a maîtrisé le monde. C'était ma prison, c'est pourquoi je me suis échappé. Qu'est-ce que je suis devenu ? Un exclu de l'univers. Je vais vous dire une chose. Pensez ce que vous voulez. J'aime ma femme comme je ne l'ai jamais aimée».

La caméra tourne autour d'Howard, le filmant en contre-plongée sur fond de couronnes d'arbres, à travers lesquelles se glissent des rayons de soleil en signe d'éveil. Le nom de famille du personnage principal est Wakefield, et si nous jouons un peu avec les lettres, nous pouvons l'interpréter en anglais comme feel(ed) wake (sentiment d'éveil). Il se définit comme un amant passionné et dévoué, bien qu'il aime sa femme alors qu'elle ne l'aime plus. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il envisage de revenir dans la famille. Et le retour d'un vieil ami, Dirk Morrison, que Diana invite à la veillée de Noël, le pousse à se dépêcher et empêcher un ex-couple de se remettre ensemble. Howard et Diana Wakefiekd sont un exemple d'amour pas très sain. Howard n'aime sa femme que lorsque quelqu'un la courtise, il la considère comme un trophée. Il retourne dans sa famille, non pas parce qu'elle lui manque beaucoup, mais pour faire un pied de nez à son ancien compagnon, Dirk Morrison. Encore une fois. Qu'est-ce qu'il est, sinon égoïste ?

Cependant, j'avais d'autres questions sur le déroulement des événements du film. Se cacher de sa famille dans le grenier juste en face de sa maison, sortir pour manger des restes dans la poubelle, pendant, disons, six mois, et passer inaperçu, c'est réaliste ? De plus, Howard, le premier jour de sa disparition en l'absence des membres de sa famille, entre dans la maison, se lave, nettoie ses empreintes digitales, mais emporte quelques vêtements, de la nourriture et une bouteille de vin, un livre posé près du lit, et bien d'autres choses encore. Ne pense-t-il pas que Diana, comme toute femme s'occupant de la maison, remarquerait de tels petits changements ? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que Diana savait bien que son mari avait décidé de jouer à cache-cache avec elle. Elle décide de faciliter son jeu, et en invitant Dirk Morrison à dîner, c'est elle qui gagne la partie puisque son mari revient vers elle.

Le scénario de ce drame psychologique a été écrit (et réalisé) par Robin Swicord, connue comme scénariste de films cultes tels que Mémoires d'une geisha (2005) et L'étrange histoire de Benjamin Button (coécrit, 2008), et voici ce film qui soulève de nombreuses questions pour le public. Certains voient en Howard Wakefield un homme incompris par sa famille, d'autres un homme à la recherche d'un sens à sa vie, d'autres encore un égocentrique. Peut-être que le livre dont le scénario de ce film est adapté (Wakefield d'E. L. Doctorow), aurait révélé au public plus d'explications sur les actions d'Howard, mais pour l'instant, pour moi, c'est l'histoire d'un homme égoïste, qui, comme toutes les histoires, a sa place au cinéma.

Sachko
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le 28 juin 2024

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