Un héros à la dérive et un monde en ruine ...
La triste poésie du début, ballet de plans fixes sur une nature endormie, intrigue autant qu’elle inquiète. Le Waste Land est là, juste sous nos yeux aveugles. Le film est une chronique à la fois humaine et politique, qui dénonce le délitement d’un monde en déconstruction.
« Ce qu’on croit peut devenir réalité ». C’est dans cette atmosphère apocalyptique qu’évoluent les personnages de Pieter Van Hees. Mélange de luxure, de dépravation, de violence et de profonde tristesse. Ici les pires facettes de l’humanité se côtoient, se découvrent ou se fuient. Léo erre dans ce chaos ambiant, à la recherche non pas d’un coupable, mais de lui-même – semble-t-il.
Léo est en effet un personnage complexe. Excité à l’idée d’avoir un enfant, il s’évertue pourtant à mener son couple à la dérive. Le spectateur est soudain emporté dans les méandres tourmentées d’un héros aussi charismatique que décadent. Le réalisateur s’éparpille par sa tortueuse histoire – rythmée par les neuf mois de grossesse de Kathleen – dans laquelle il s’efforce de brouiller les pistes. Puis le film prend une drôle de tournure. L’obsession morbide devient omniprésente. De malaise en malaise, impossible d’ignorer désormais le sens du Waste Land dans lequel nous sommes à présent complètement noyé. Léo n’en est que l’incarnation. Derrière le bel idéal du flic, héros salutaire d’un monde en ruine, une autre réalité, plus sombre. Léo n’est au fond qu’un corps malmené, mutilé, terrifié par l’avenir et le destin; paradoxalement irrémédiablement attiré par la décrépitude et l’adrénaline.
Plus le film avance, plus les sujets s’accumulent, ce qui ajoute à la confusion d’une intrigue déjà relativement dense. Entre tentation charnelle, rituels maraboutiques et démence, le réalisateur sème le trouble, accompagnant Léo dans sa descente aux enfers. Le mal-être s’infiltre inexorablement dans les moindres recoins de l’écran, me laissant hélas plus amère qu’insensible. Jérémie Renier se défend. Cependant impossible de m’attacher à Léo, dont l’égarement ne m’émeut pas. Pourtant comme William Keane dans le film éponyme de Lodge Kerrigan, Léo s’enfonce dans la solitude et la saleté, devenu une menace pour lui-même. Les éléments de la folie sont bien là, alternant hallucinations fantastiques et réactions incontrôlées. Cela ne semble pas suffire : l’ensorcellement n’est pas.