Thriller angoissant et viscéral

Chloe Okuno nous a offert un thriller psychologique à l'ancienne, à l'ambiance à couper au couteau, qui joue beaucoup de ses décors (les angles des bâtiments de Bucarest deviennent de vraies sources d'angoisse), bien aidé par tout l'attachement que l'on a pour son personnage principal, campé à fleur de peau par Maïka Monroe, et par la méfiance que nous inspire naturellement le dernier rôle de Burn Gorman (l'éternel méchant... on l'adore). L'intrigue a été écrite en 2014 (avec quelques beaux titres cinéphiles en sources d'inspiration : Fenêtre sur cour, Rosemary's Baby, Le Locataire, Répulsion...), avant toute l'ère MeToo, mais parle déjà de harcèlement avec une femme qui se sent seule, tire son rideau et voit une ombre qui la regarde depuis un moment, sans bouger, alors elle lui fait coucou pour être sûre... Oh my god. L'ombre fait coucou. Musique sourde. On a peur, on ne sait fondamentalement pas pourquoi, mais on a peur. Il faut dire que ce premier film joue sur des craintes ancrées, sourdes, que l'on comprend viscéralement (l'isolement, le sentiment d'être suivi, observé, incompris par les autres - les dialogues en roumain ne sont pas traduits exprès pour nous faire partager ses difficultés d'être comprise / de comprendre -, les pires scénarii qui germent dans notre esprit au moindre élément qui sort de l'ordinaire...), et surtout s'appuie sur une mise en scène qui refuse tout effet tape-à-l’œil (pas de sursaut, pas de musique ultra forte pour vous impressionner, non : Chloe vous laisse venir, sentir l'inquiétude de cette pauvre femme qu'on rêve d'attraper et tirer de l'écran). Cette pudeur lui permet alors, dans son final qui lâche les chiens niveau sensations, de nous marquer d'autant plus : le "traveling vertical de la chaise" (sans en dire plus) nous a fait réagir (on n'arrive plus à l'oublier depuis). On a essuyé quelques perles de transpiration après ce final qui fait exploser toute la pression accumulée durant 1h35, nous tirant joyeusement le tapis sous les pieds au moment où on s'y attendait le moins. Après It Follows, Maïka Monroe remet le couvert de la femme harcelée, un rôle qui nous crie de l'aider face à un Burn Gorman au sommet de son talent, et notre cœur répond présent à chaque scène de détresse, chaque confrontation avec son agresseur supposé (car non, ce n'est pas une victime passive, et ça : on aime !), chaque indice qui la rapproche d'un final qui nous a explosé en plein visage... En refusant de nous faire le coup du sursaut facile, l'astucieuse Chloe Okuno nous empêche de relâcher la pression, dans ce premier film impressionnant où l'on tire souvent sur son col, mal à l'aise et stressant à souhait. Le plan de la chaise, on ne s'en remettra jamais, on est tombé de la nôtre.

Aude_L
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le 19 janv. 2023

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