Pour ceux qui connaissant Jean-Baptiste Thoret, c'est un critique qui est passionné par le cinéma américain des années 1070, aussi bien par les films par ce qu'ils apporté à l'industrie. Il écrivait dans Charlie Hebdo, était dans les émissions de radio Mauvais genres et Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert, et écrit plusieurs livres sur le sujet dont Le cinéma américain des années 1970, qui reste une référence.
Après deux documentaires pour la télévision, il réalise son premier film, qui est à la fois un documentaire et un road movie tournant aussi sur la fameuse phrase quasi-finale d'Easy Rider, We blew it, que sur ce que l'Amérique a peu devenir entre la fin des années 1960 et l'élection de Donald Trump en 2016.
La surprise étant que ça parle assez peu de cinéma, bien qu'il soit présent en filigrane, avec des interventions de réalisateurs comme Michael Mann, Peter Bogdanovich, Paul Schrader, Tobe Hooper et d'autres, ainsi que des personnes anonymes qui représentent cette Amérique profonde qui a vécu dans cette décennie-là.
Ce qui est dit est très intéressant, car on a les deux côtés de la pièce ; à savoir ceux qui sont empreints de nostalgie pour cette époque, à un conservatisme qui les a fait choisir Donald Trump qui glorifierait les valeurs anciennes de l'Amérique à savoir la liberté, et ceux pour qui c'était une grande période de trouble, avec la mort de JFK qui reste encore dans les mémoires et d'anciens soldats de la Guerre du Vietnam. En fait, on sent que Thoret, à travers le prisme du cinéma, veut raconter autre chose, faire entendre une autre respiration de l'Amérique, et loin des clichés comme quoi les électeurs républicains sont forcément des abrutis, et il y a de beaux moments qui s'en dégagent. J'en veux pour preuve cet ancien soldat du Vitenam qui se met à fondre en larmes ou ce vieux barbier (qui a près de 90 ans !) qui martèle un We, the people qui résonne comme un cri du cœur.
Thoret a voulu aussi, en filmant aussi dans des grandes villes que dans des bourgades, retrouver la multiplicité qui fait le sel d'une Amérique tant décriée mais qui au fond fascine, avec des petites villes qui semblent comme figées dans le temps, des rues qui restent identiques depuis des décennies, alors qu'on a à côté un Los Angeles majestueux. L'écart est souvent frappant et le réalisateur restitue très bien cela, ajouté à cela qu'il tourne en Cinemascope.
Je regrette juste quelques petites préciosités, comme celle de rester sur le profil des personnes anonymes durant plusieurs secondes, ou la partie sur le Burning Man qui est filmée au ralenti, mais il manque aussi quelques-unes de ces personnes qui ont fait cette Amérique dans les années 1970, comme Robert Redford (qu'on entend en audio via une scène de Sous surveillance où intervient Julie Christie), Warren Beatty ou encore Michael Cimino, qui a su filmer mieux que personne les grandes contrées américaines. Dommage aussi de ne pas montrer d'extraits (sauf Easy rider ou des archives sonores) pour resituer le propos, notamment cette chanteuse qui reprend, 40 ans après, la scène finale de Nashville où le fantôme de Robert Altman semble tourner auprès d'elle.
C'est un constat amer, mais lucide, auxquels se frottent les intervenants de ce documentaire, espérant à nouveau un nouvel âge d'or, mais Jean-Baptiste Thoret semble clore un cycle sur les années 1970, dont We blew it en est un digne représentant.