Juin 1940.L'armée allemande a contourné l'infranchissable ligne Maginot en envahissant facilement la Belgique et les Pays-Bas pour pénétrer en France par le Nord.Là,ça rentre comme dans du beurre et les unités françaises et anglaises sont repoussées jusque dans la poche de Dunkerque où les soldats,en pleine débâcle,espèrent pouvoir gagner l'Angleterre sur un des bateaux britanniques qui viennent secourir leurs troupes.C'est dans ce contexte que le sergent-chef Maillat et trois de ses potes,séparés de leur régiment,se retrouvent à faire du camping sauvage dans les dunes de la plage de Zuydcoote en compagnie de milliers de militaires british et français,sous le feu nourri des obusiers teutons et des bombardements des Stuka qui survolent sans cesse le site.53 ans avant le "Dunkerque" de Nolan,il y a donc eu Henri Verneuil et son "Week-end à Zuydcoote".Le film est tiré d'un roman de Robert Merle,qui en signe les dialogues et a coécrit le scénario avec François Boyer.Produite avec opulence par les frères Robert et Raymond Hakim,l'oeuvre bénéficie de solides contributions techniques avec le décorateur Robert Clavel,dont la reconstitution d'époque est mirifique avec ces maisons éventrées par les bombardements,ces bateaux frappés par l'aviation teutonne ou ces cimetières de véhicules hors d'usage,la photo Eastmancolor bien étalonnée de l'excellent Henri Decae ou la musique de Maurice Jarre,toujours inspiré quand il s'agit de faire dans l'épique et l'historique.Verneuil,assisté d'un certain Claude Pinoteau, filme tout ça avec son talent sûr,enquillant les scènes sous l'angle idéal et dans le temps juste,offrant en outre une immersion stupéfiante dans cet enfer balnéaire,sa caméra se faufilant au milieu des cohortes de soldats errants et captant des scènes de destructions massives d'un réalisme saisissant d'autant plus sidérantes qu'elles sont garanties sans effets numériques,qui n'existaient pas alors.Au-delà de cette impeccable base cinématographique se développe un script d'une suprême habileté qui doit évidemment beaucoup à Merle,qui adapte brillamment son bouquin.Il y a là la matérialisation d'une page d'Histoire,on peut aussi y voir un manifeste anti-belliciste,mais ce qui ressort au final est une fine analyse de l'âme humaine confrontée aux situations extrêmes.Maillat est le personnage principal,il est de toutes les scènes,mais ce n'est pas un héros.Se baladant entre la ville et la plage,il sert de guide et de révélateur,ses confrontations avec toutes sortes de gens rythmant la narration.Subissant les évènements plus qu'il ne les impulse,c'est un témoin à la fois passif et vaguement moraliste,dépassé comme les autres par ce gigantesque foutoir mais qui tente malgré tout de réagir sporadiquement et de donner un sens à ce qui n'en a pas.C'est formidablement écrit,les répliques de l'auteur sonnent juste,l'itinéraire de Maillat rebondit sans cesse et le pousse systématiquement vers de nouvelles rencontres qui éclairent la nature humaine d'un jour souvent peu flatteur mais aussi parfois réconfortant.Face à l'entropie et au danger,chacun réagit selon ses capacités mentales et intellectuelles,sa faiblesse ou sa force de caractère.Se succèdent ainsi des ramasseurs de cadavres,des officiers anglais triant les départs en favorisant naturellement leurs compatriotes,un gars de Bezons armé d'un fusil-mitrailleur,pas futé mais combattant redoutable,un soldat anglais galérant pour emmener avec lui son épouse française,une jeune femme intrépide et excessivement matérialiste qui refuse d'abandonner sa maison en dépit des périls qui rôdent,deux bidasses tricolores ignobles qui essaient de la violer,l'angoisse et la solitude d'un pilote allemand descendant en parachute,et filmé en caméra subjective,vers les ennemis qu'il canardait depuis le ciel l'instant d'avant et qui l'attendent fusils levés, et bien d'autres protagonistes apparaissant au fil du récit.Même la bande de Maillat est constituée de personnalités très différentes,du profiteur de guerre Dhéry,jamais en retard d'une magouille,à l'abbé Pierson qui garde la foi malgré la situation,en passant par le brave Alexandre qui materne tendrement ses potes.Pour couronner le tout,cette histoire sera sans pitié,les morts se succèderont et la fin sera tragique.Il faut bien sûr relever l'ironie du titre par rapport à la situation,ces plages faites d'ordinaire pour accueillir des vacanciers décontractés se trouvant ici transformées en succursale de l'Enfer.A la tête d'un casting prodigieux qui fait surgir des visages connus à chaque coin d'écran Jean-Paul Belmondo,dans un de ses meilleurs rôles,sait conserver la neutralité et la sobriété nécessaires à son emploi de témoin involontaire d'un monde en perdition.Autour de lui s'ébattent de nombreux comédiens doués dont beaucoup font partie de sa bande du Conservatoire et qu'on a vus dans nombre de ses films.Il y a Jean-Pierre Marielle en prêtre-soldat désolé,François Périer en vrai gentil dévoué et organisé,Pierre Mondy en tripatouilleur faux-jeton au possible,Catherine Spaak lumineuse et magnifique en fille inconsciente et têtue,Georges Géret extraordinaire en as du FM,Marie Dubois émouvante en femme de soldat anglais,Christian Barbier et Jean-Paul Roussillon d'une atroce veulerie en violeurs d'opportunité,et puis des apparitions rapides de Gérard Darrieu,Albert Rémy,Dominique Zardi,Robert Rollis,Paul Préboist,Pierre Vernier ou Bernard Musson.