Avec 4h44 Dernier Jour sur Terre, Abel Ferrara avait signé l'un des pires films de 2012, pensum crétin et faussement incarné, chiant comme la mort, et dont la posture poseuse était des plus irritantes.
Mais au moins 4h44 Dernier Jour sur Terre était un film décent.
Welcome to New York, lui, est une redéfinition de ce qu'est l'abject au cinéma. Si tant est que le cinéma ait encore quelque chose à voir dans ce crachat spectaculaire que constitue ce film.
Parce qu'au fond, le cinéma n'a plus rien à voir avec l'histoire de ce film, qui n'existe que comme geste provocateur, comme un doigt d'honneur fait au système traditionnel et à à peu près tous les gens saints d'esprit qui ont refusé d'apposer leur nom à un projet d'une telle idiotie. Le cinéma, dans Welcome to New York, est inexistant, loin, relégué au dernier plan. Parce que le cinéma c'est la culture, et Welcome to NY lui, passe juste son temps à se rouler dans sa propre fange. Ce film est avant tout un ramassis de fantasmes putrides collés ensemble sur deux heures. Deux heures à la limite du supportable, où DSK est réduit au rôle de bouffon libidineux, incarné avec morgue par un Depardieu tout contente de salir le nom d'un type qu'il déteste.
Évidemment les actes de DSK sont répréhensibles, et il semble évident que cet homme a toujours entretenu un rapport problématique au sexe et aux femmes. Mais Welcome to NY ne dit rien, ne porte rien, et s'amuse juste à insulter avec une violence terrifiante l'homme. On a l'impression d'être devant la reconstitution de l'affaire DSK par une cour de troubadours pour le seigneur Ferrara, bien heureux d'avoir trouvé Maraval pour cautionner ses excès de bibine et son envie irrépressible de choquer à n'importe quel prix, y compris celui de l'avilissement.
Allez-y, regardez, regardez et riez de ce pauvre gueux ridicule, lancez-lui des tomates, clouez-lui un bonnet d'âne sur le crâne si vous voulez! Parce qu'au fond, il ne mérite que ça, ce type qui passe son temps à baiser tout ce qui bouge, à parler de cul devant sa fille, qui jouit en couinant comme un porc. Ce DSK-là, cette ordure répugnante qui tient les cordons de la bourse mondiale dans ses mains, ne mérite que votre violence et vos anathèmes.
Welcome to NY est en fait presque une loi du talion cinématographique : réduits-toi à l'impudeur et à l'abjection de celui auquel tu t'attaques. La raison d'être du film ne va pas plus loin que ça : le jeu de rôle pathétique et cruel d'une bande de tristes sires qui aimeraient que leur statut les absolve de toutes leurs outrances.
Cet objet difforme et bête, c'est le reflet d'un « art » du cynisme absolu le plus détestable. Il s'emploie à détruire progressivement tout ce qui le constitue, à aspirer méthodiquement l'âme de tous ses personnages. Et il dérape sérieusement avec son propos antisémite larvé sur la fortune de Simone/Anne Sinclair.
Grotesque et répugnant, Depardieu se croit génial à jouer ce personnage qu'il caricature comme le mélange d'un singe et d'un porc, constamment en éructation devant sa propre décadence. Son contentement évident à participer à cette mascarade nous éloigne de tout ce qu'on a pu aimer chez lui. Certains jugeront cette mise en scène de soi fascinante, elle n'en demeure pas moins hautement pathétique.
Et derrière plus rien, le néant artistique et humain, la contemplation d'un immense vide, effrayant et vertigineux : celui que l'on peut créer en laissant les mains libres à des irresponsables qui ne raisonnent que par l'insulte.
Welcome to NY avait pourtant tout pour être un bon film de Ferrara : le thème, le personnage, le cadre, tout concordait à ce qu'en d'autres temps, on ait pu avoir droit à un chouette brûlot subversif. Sauf que cannibalisé par son obsession de faire du buzz à n'importe quel prix, le film s'autodétruit et devient l'un des longs-métrages les plus opportunistes et déplaisants de ces dernières années.
On ne sait au final si tout ça donne envie de vomir ou de pleurer.
Une mauvaise réaction en tout cas, car ce film ne mérite que l'oubli.