L'Hommage d'un monument à un autre

Évidemment, la question était plus que légitime : pourquoi ? Pourquoi reprendre l'immense classique de Robert Wise pour y apporter, finalement, si peu de changements ? L'époque est la même, l'histoire est la même, les chansons sont (évidemment) les mêmes... N'y avait-il pas projet plus original, plus porteur pour l'auteur de « La Liste de Schindler » ? Ces réflexions sont légitimes et il n'est pas franchement évident d'y répondre avec certitude, certains aspects (s'intégrer à tout prix à leur « pays d'adoption » se révélant même moins aboutis ici. Et pourtant... Pourtant, ce remake ne m'a jamais paru inutile.

On sent Steven Spielberg admiratif de l'œuvre originale et ainsi avant tout désireux de gommer les petites faiblesses dont souffrait le modèle. Si le ressenti concernant le casting est sensiblement le même (Mike Faist et surtout la spectaculaire Ariana DeBose sont clairement ceux qui ressortent, sans oublier la présence de Rita Moreno dans un rôle clairement écrit pour elle), les dialogues ont été modifiés dans les grandes largeurs, ni en bien ni en mal, mais surtout, les deux héros se révèlent moins fades, leur histoire d'amour ayant même été enrichie pour apparaître plus crédible.

Autre point non négligeable : la somptueuse photo de Janusz Kaminski, donnant une dimension parfois crépusculaire au propos. Enfin, on sent que le cinéaste a voulu poser sa patte point de vue technique et numéros musicaux, la caméra souvent immobile de Wise laissant place à de nombreux mouvements aériens, à la fluidité parfois impressionnante et à l'indéniable maîtrise pour quelqu'un ne s'étant jamais essayé au genre. Quant aux numéros musicaux, certains ont été modifiés de façon spectaculaire (d'autres moins), à commencer par « America », transformé du tout au tout pour ce qui est certainement la plus belle scène du film.

Pour le reste, l'impression est logiquement et sensiblement la même : cette adaptation moderne de « Roméo et Juliette » est puissante, moins captivante dans sa dernière partie (tous mes numéros et chansons préférés sont dans la première), l'effet de découverte évidemment en moins, ce qui était totalement révolutionnaire pour l'époque (une comédie musicale délibérément tragique, ancrée dans le quotidien, la bande-originale intégrant des bruits du quotidien (les claquements de doigts de la splendide introduction)) l'étant logiquement moins cinq décennies plus tard. Ce « West Side Story » n'en a pas moins du cœur et du talent, témoignant d'une belle vitalité cinématographique, à défaut de réelle audace dans son projet : une chouette sortie en cette fin d'année 2021.