Comment mettre en scène le jazz, sa rythmique, sa liberté de ton, son souffle musical ? Avant de voir "Whiplash", j'aurais déclaré qu'une telle prouesse était impossible. Jusqu'à présent les films sur le jazz traitaient moins du style musical que des hommes le jouant. Fictions ("Bird" de Clint Eastwood) ou documentaires ("Let's get lost" de Bruce Weber, "Michel Petrucianni" de Michael Radford), ces films se focalisaient surtout sur les jazzmen et leurs tourments. D'excellents films indéniablement, mais mettant en scène timidement le jazz.
Venu de nul part, survient alors "Whiplash", claque cinématographique qui parvient de manière magistrale à épouser la rythmique et la folie du jazz. Le montage du film est absolument remarquable, réussissant à transcrire l'intensité exceptionnelle de ce genre.
Au delà de la mise en scène, le film nous raconte l'histoire d'un jeune batteur poussé dans ses derniers retranchements par un chef d'orchestre tyrannique (J.K. Simmons enfin mis en valeur). Certes l'histoire est parfois extrême voire caricaturale mais elle parvient à montrer l'essence même de la musique : pour atteindre l'excellence, il faut savoir se dépasser, aller au delà de ses capacités même si cela est douloureux et difficile. Tous ceux qui ont fait de la musique comme moi comprendront cette vérité. D'ailleurs, on ne compte plus les innombrables personnes qui ont abandonné le piano ou la guitare à partir de la quatrième ou cinquième année. L'apprentissage de la musique nécessite patience et persévérance. Je ne crois pas qu'il y ait des génies pour qui la musique est tombée du ciel. Tous les grands pianistes de jazz (de Art Tatum à Brad Mehldau en passant par Keith Jarret) sont d'immenses travailleurs ayant commencé par l'étude minutieuse du classique avant de laisser libre cours à leur créativité.
Pour avoir réussi à transmettre ces vérités cachées de la musique et du jazz, je ne peux que remercier le jeune réalisateur Damien Chazelle.